Premier voyage avec Françoise Sagan que je ne connaissais que de réputation. Ce petit roman possède une force incroyable, que j'ai rarement pu observer dans la littérature, pas de manière aussi imposante tout du moins : il y a deux récits qui s'entremêlent, l'histoire en elle-même, assez linéaire par son propos, beaucoup moins par sa réalisation, et les commentaires/réflexions de l'auteur sur, certes ce qu'elle nous raconte, mais aussi sur sa propre vie. Forcément, l'immersion ("scénaristiquement" parlant) en est réduite puisqu'on observe les rouages de l'histoire, toute la mécanique qui permet de planter des personnages, des lieux, des situations, Sagan s'impose comme une marionnettiste touchante, rigolote et surtout très cynique sur sa propre vie, son entourage ou ses "deux Suédois" comme elle appelle les personnages principaux de son livre. Elle est la grande inquisitrice et plante tous les décors. C'est original et caustique.
On peut dès lors trouver le procédé immersif dans sa globalité ; je me suis vraiment senti impliqué avec Sagan dans la découverte de ce roman voire même dans son écriture. Comme un moment privilégié avec elle, une sorte de voyage à deux en première classe. Certaines réflexions qu'elle se fait sur le monde qui l'entoure, de par leur décalage absurde, sont délicieuses et reflètent une grande profondeur d'esprit. J'ai préféré mille fois la narration de sa vie aux élans fusionnels de ses suédois.
Je ne sais pas si c'est le meilleur roman pour débuter notre romance littéraire elle et moi, mais ce fut captivant et instructif. Même si les relations entre les personnages m'ennuyaient parfois, certains passages sont très forts émotionnellement - et plus particulièrement le dernier tiers du livre. Je vous le conseille pour l'objet en lui-même, n'ayant pas été séduit plus que ça que ce soit par son style ou la puissance de ses ressentis. Je continuerai avec Bonjour Tristesse, son premier roman, dans quelques mois.