Je ne suis point économiste : mais avoir prédit dès 2002 l'échec de l'euro relevait de l'héroïsme.
Je suis assez fasciné en ce moment par ces prophètes eurosceptiques : il faut y ajouter Todd, Séguin, Ashoka Mody. La perspective de Gave est intéressante en ce qu'il est un libéral pur : là où Todd et Ruffin s'offusquent de l'absence de souverainisme, c'est l'irresponsabilité et l'inefficacité du monstre technocratique de l'Union Européenne qui interpellent Gave. L'euro, monnaie molle, destinée à la stabilité et donc aux rentiers, ne peut mener qu'à l'appauvrissement général. Refusant l'investissement à long terme par essence, c'est une monnaie qui ne vise ni 1° la croissance économique 2° la paix entre les peuples 3° la prospérité 4° l'expression du pangermanisme. Elle est plutôt la manifestation de l'esprit bureaucratique : opposée à l'innovation, elle récompense les capitaux les plus sûrs, les plus rentables, et est une monnaie trop lente pour favoriser les nouvelles entreprises (sa lenteur a été une nouvelle fois démontrée lors des prêts pour relancer l'économie post-Covid, encore une fois pour l'Ukraine, etc.). En somme, elle ne peut que mener à une société sénile, composée de rentiers, étouffant sa jeunesse en resserrant perpétuellement les cordons de la bourse. A l'heure où je parle, les grosses banques françaises accordent de plus en plus difficilement des crédits aux ménages et aux entreprises, ce qui était logique selon Gave : en privilégiant la stabilité, l'euro ne peut qu'asphyxier petit à petit toutes les entreprises de l'Eurozone à moins de compresser les conditions salariales. En France, on paye la conservation des conquis sociaux par la désindustrialisation.
L'ensemble de la démonstration peut offusquer certains keynésiens ou marxistes (s'il en reste...) pour qui l'interventionnisme étatique est la clé. Il est vrai que Gave, en élève de Friedman, ne s'embarrasse pas de concepts tels que le colbertisme, la propriété commune, de justice sociale etc. (sa position se résume ainsi : la richesse des uns profite aux pauvres car elle crée de l'emploi). C'est un libéral au sens de Montesquieu, pour qui la société politique découle de trois droits : droit de propriété, liberté d'expression, et élites éclairées.
Je ne suis pas un amateur de la position de Gave, et l'impudence avec laquelle il balade (en bon financier) les droits sociaux et instaure la pseudo efficacité du libre marché (lequel ne fonctionne que par crise de surproduction et exploitation de la main d'oeuvre ; qui sait si Gave n'eût pas défendu le travail des enfants en 1830 en Angleterre ?). Reste que cette démonstration est redoutable d'efficacité.