Pour Alekan, la lumière est au cinéma ce que la mélodie est à la musique pour Ansermet : son fondement même. Elle pourrait précéder même la mise en scène.
En tant que résumé des connaissances et du ressenti d'une vie entière en tant que chef opérateur, c'est cependant à mon gré avec peine que le récit parvient à capter l'attention de son lecteur. Bien que le plan de l'œuvre semble à première vue assez simple (1. Lumière ; 2. Lumière solaire ; 3. Lumière nocturne ; 4. La lumières des peintres et des cinéastes), il ressort une structuration de l'œuvre somme toute assez brouillonne. Comme les défauts inhérents à la manière chronologique de Thucydide de raconter une guerre le forcent à retranscrire de façon détachée des événements liés, non par le temps, mais par la causalité, Alekan semble s'enliser également dans une structuration globale de l'œuvre qui ne peut servir correctement son propos. Les parties, quand elles ne se répètent pas carrément, ne cessent de se faire écho, forçant le lecteur à effectuer des va-et-vient incessants.
Pourtant, l'œuvre touche juste : d'yeux qui regardaient elle a fait des yeux qui perçoivent. S'il s'agissait pour Alekan de sensibiliser les futures cinéastes à ne plus négliger une lumière qui semble de moins en moins considérée aujourd'hui, alors c'est sans doute réussi. Car on ne peut en effet s'empêcher de remarquer que, dans les plus grandes œuvres visuelles, même contemporaines, c'est bien la lumière qui est à la racine même du sentiment qui nait dans le spectateur. C'est bien par elle que la matière se dévoile et prend forme (et non dévoile sa forme). C'est par elle que le monde distordu des ombres naît et évoque le surnaturel et l'angoissant. C'est par elle que le réalisateur communique directement avec son spectateur.
Le lecteur attentif ne peut considérer la vision d'Alekan comme dogmatique, car elle tente, je l'avoue non sans difficulté, de faire pressentir le caractère de la lumière au cinéma qui transcende les styles et les tempéraments des cinéastes.