"Des nouvelles du monde" est le premier roman de l'Américaine Paulette Jiles à être publié chez nous. Il aborde un sujet très intéressant : celui des enfants Blancs capturés puis élevés par des Indiens, et qui une fois rendus à leur famille d'origine doivent se réadapter à leur ancienne culture, de gré ou de force. Kidnappée très jeune par des Indiens Kiowas, Johanna a perdu l'usage de sa langue maternelle et n'a plus aucun souvenir de la vie "civilisée". Hormis son apparence, elle a tout d'une véritable Kiowa et se serait volontiers contentée de grandir dans la Prairie avec sa famille d'adoption. Pas de chance pour elle : le Bureau des affaires indiennes a obtenu qu'elle soit restituée à un oncle et une tante qui lui sont totalement étrangers. Pour les rejoindre, Johanna va devoir parcourir le Texas dans le chariot d'un vieil homme, ancien soldat, qui gagne sa vie en allant de ville en ville pour lire la presse nationale et internationale à ceux qui n'y ont pas accès...
Avant d'aller plus loin, on va évacuer les points qui fâchent :
1/ Je lis beaucoup de romans anglo-saxons se déroulant aux 18ème et 19ème siècles, et j'en ai assez de voir les protagonistes manipuler des "mousquets". Le mousquet est une arme à feu utilisée aux 16ème et 17ème siècles (il suffit de penser aux Mousquetaires de Dumas), pas plus tard. En anglais, certains types de fusils primitifs sont appelés "muskets", d'où l'erreur de traduction récurrente... qui n'est faite qu'une fois dans "Des nouvelles du monde", ce qui est un moindre mal par rapport à d'autres ouvrages. Mais il fallait que ce soit dit.
2/ J'évoquais la chose il y a peu de temps dans ma critique de "Orphelins de Dieu" de Marc Biancarelli, mais après ma lecture de "Des nouvelles du monde" il semble que les dialogues dépourvus de guillemets ou de tirets ne soient pas un mal uniquement français. Paulette Jiles pousse le vice jusqu'à intercaler un tas d'indications scéniques dans ses dialogues, ce qui renforce leur illisibilité... Mais pourquoi ? Quel est l'intérêt de rendre la lecture plus ardue, de manière aussi artificielle ?
3/ Il y a enfin l'éternel problème des phrases nominales, même si Paulette Jiles n'en abuse pas trop comparé à nombre de ses contemporains. Je me demande toujours comment un auteur peut estimer qu'il est pertinent d'écrire : "D'un côté se dressait un massif de graminées, gracieuses et vertes. Terminées par de grandes têtes à plumes." au lieu de : "D'un côté se dressait un massif de graminées, gracieuses et vertes, terminées par de grandes têtes à plumes." Je crains que les arcanes de la Littérature Contemporaine ne me soient à jamais impénétrables...
Bref, reprenons.
Nos héros, la fillette de dix ans et le septuagénaire, traverseront donc l'immense État du Texas du nord au sud, feront étape dans de nombreuses villes, rencontreront quelques dangers en route... Et voilà, c'est à peu près tout. Cette simplicité de l'intrigue n'est pas un défaut, au contraire, ne pas se disperser permet de se concentrer sur l'essentiel : la relation tissée entre les deux protagonistes, qui apprennent d'abord à s'apprivoiser malgré leur défiance initiale, puis à se rendre indispensables l'un à l'autre. Nous avons donc une gamine dotée d'une forte personnalité, voyageant dans les étendues sauvages de l'Ouest en compagnie d'un homme âgé : les amateurs de westerns songeront sans aucun doute à "True Grit"... Johanna Leonberger reste néanmoins très différente de Mattie Ross, tout comme le Capitaine Kidd n'est pas Rooster Cogburn. Ayant lu le roman de Charles Portis et vu le film des frères Coen quelques semaines seulement avant de lire "Des nouvelles du monde", je n'ai pas eu l'impression d'une redite, chacune de ces œuvres a ses propres caractéristiques.
Agacé par les tics d'écriture susmentionnés, j'ai longtemps classé mentalement ma lecture en "moyen : 5 ou 6 sur 10", avant d'infléchir ma position sur les derniers chapitres. La fin du roman n'a rien de surprenant, on peut même dire qu'elle est cousue de fil blanc, pourtant elle m'a touché, justement par sa simplicité évidente. Au bout du compte, les qualités l'emportent sur les défauts, et le voyage effectué en compagnie de "Cho-hanna" et "Kep-ten" valait bien un "bon : 7 sur 10".