Il est des livres qui ne vous marquent pas forcément l'esprit quand vous les lisez adolescent pour les cours, manquant simplement de maturité pour en apprécier à la juste valeur la qualité de l'ouvrage. Des Souris et des Hommes de John Steinbeck fait partie de ceux-là.
Certainement quinze ans se sont écoulés depuis que j'ai lu pour la première fois ce livre qui m'avait laissé un souvenir assez vague finalement. A cette nouvelle lecture, j'y découvre tout sa puissance. Steinbeck propose un ouvrage qui m'a fait parfois pensé à du London ou à Ne Tirez Pas sur l'Oiseau Moqueur. Il n'y a pas de fioritures, on prend le parti d'hommes proches de la nature, d'hommes de rien, de gens qui sont obligés de nourrir des rêves inaccessibles pour garder le cap.
George et Lennie, ce sont finalement deux amis que tout oppose. George prend soin de Lennie, attardé mental à la force d'un colosse mais qui adore tout ce qui est doux. Mais il ne maitrise pas sa force le gaillard et cela leur a déjà causé beaucoup de problèmes. C'est un gentil géant mais maladroit. Arrivés dans un ranch, ils espèrent pouvoir garder de l'argent pour enfin acheter le petit lopin de terre qui leur permettrait de vivre cette fois en propriétaires.
Dans ce roman, Steinbeck va droit au but, ne s'intéresse pas aux états d'âme et ne parle que de faits. Suffisant néanmoins que pour rendre compte d'une réalité juste, de se prendre d'empathie pour les personnages.
Ce qu'il y a de fort aussi avec ce bouquin, c'est qu'on sent le drame qui va arriver dès le début, on comprend que leur rêve est impossible à réaliser. Steinbeck évoque également tous les laisser pour compte de l'Amérique du début du XXème siècle: l'infirme et vieux, le malade mental, le noir et même la femme, ici dépeinte par les hommes comme une allumeuse mais en besoin de contact après un mariage qu'elle savait déjà raté avec le fils du propriétaire du ranch.
Il y a une forme de poésie qui se dégage de l'ensemble de l'oeuvre, un état d'esprit que la traduction a même pu conserver (beau boulot pour le coup). Steinbeck signe un roman mettant en avant tous les gens de rien avec justesse et brio. Un livre qui flaire bon le chef-d'oeuvre.