A la croisée du roman et de la pièce de théâtre, Des souris et des hommes fait le pari de la simplicité. Le décor y est minimaliste. Le langage, simple, direct, presque vulgaire dans sa franchise. Un thème unique, obsessionnel: la solitude. Une poignée de personnages, tous atteints du même mal, mais qui l'expriment différemment, points de vue multiples sur une vérité universelle. Le couple qui ne s'aime pas et qui passe son temps à se chercher, tout au long des trois jours de l'intrigue, sans jamais se croiser. Le nègre socialement isolé, protégé par son orgueil factice, qui tente maladroitement de combler ses manques relationnels par la lecture. Le vieil amputé qui doit se séparer de son vieux clébard en bout de course, qui dégage déjà l'odeur de la mort.
Les prophéties sont multiples tout au long des pages. Le Destin emplit de sens chaque événement, comme dans une tragédie de théâtre. Et pourtant, le livre ne pousse pas au désespoir. Il y parle de cette façon qu'on a d'entretenir notre propre malheur, par dégoût de soi et du monde. Même les hommes bons tournent à la méchanceté, à la cruauté, à force d'isolation. Mais chaque geste d'ouverture, et les occasions sont nombreuses si on y prend garde, peut changer la donne. On peut dépenser notre temps et notre énergie autre part que dans les bordels et les bars de la vie, décharges d'une amertume auto-alimentée.
On peut simplement prêter notre attention.