Quand on proposa à Isaac Asimov d'écrire une nouvelle histoire à base de voyage dans le corps humain, il n'accepta qu'à condition qu'il n'y ait pas de scénario écrit au préalable, confiant lui-même ne pas considérer la novélisation du film Le Voyage Fantastique comme un de ses romans. Et s’il reprend bien le thème principal de le miniaturisation et d'exploration du corps humain à bord d'un vaisseau occupé par des scientifiques, tout le reste est issu de sa fertile imagination.
Écrit en 1987, Destination Cerveau propose une trame se déroulant dans le futur, un 21ème siècle dans lequel la Guerre Froide est terminé, mais les tensions entre la Russie et les States toujours bien présentes. Morrison, un scientifique américain ayant aussi bien foiré sa vie que sa carrière via ses théorie farfelues se voit contraint de taffer avec les russes dans un projet top secret car ceux-ci estiment que ses idées pourrait bien révolutionner la science.
L’écrivain va prendre le temps d'introduire le personnage principal dans tout ce micmac auquel il se retrouve embrigadé, ne se pressant pas pour poser les enjeux et présenter les protagonistes principaux, et surtout de faire une base scénaristique solide. Asimov nous gratifie de tout ses connaissances scientifiques pour rendre l'ensemble réaliste au possible, dans les limites qu'imposent le genre science-fiction du livre, ne franchissant la frontière entre le réel et l'imaginaire qu'après avoir expliqué en détail en quoi cette dernière n'est pas si improbable.
La partie voyage intérieur bombarde le lecteur de données traitant aussi bien de biologie humaine que de biochimie, de physique quantique que de mathématiques. Cela paraitra surement lourd pour les allergiques aux matières susnommées, mais pour peu qu'on fait l'effort de suivre et qu'on fasse confiance à l'auteur très à l'aise dans le domaine, on dévore les passages descriptifs sans trop de soucis. Et Isaac n'en oubli pas l'histoire et les persos, alternant avec facilité théories scientifiques et dialogues plus légers, faisant avancer sa trame en introduisant à bonne dose de nouvelles révélations et des changements de cap inattendus.
On aura même une fin développée, avec ses derniers revirements de situations, le roman lorgnant bien plus ostensiblement dans le domaine de l'espionnage que ce que la première partie proposait déjà. Autant dire qu'il y a un gouffre entre la novélisation du film et cette histoire né de l'auteur et uniquement de lui-même. C’est du Asimov pur jus, bien mené et avec zéro temps mort, où le moindre détail 100 pages plutôt a son importance pour la suite. Et l’évolution final du héros est d'autant plus étonnante que sa première apparition ne lui donne guère de crédit. Un joli pied de nez à tout ceux qu'il a croisé et qui ont bien abusé de sa faiblesse évidente.