Un livre qui est parvenu à la fois à m’agacer et à piquer ma curiosité. Qui m’a assurément fait réfléchir et donné envie de me plonger dans la philo. Donc une lecture qui fut loin d’être une perte de temps, malgré les nombreuses contradictions qui n’ont cessé de me titiller le sourcil.
Il y a du contenu, du grain à moudre, de la culture, de l’humour, de la phrase cash, chic et choc. Des sujets importants sont abordés (notre époque en perte de repères, la quête du sentiment d’ être soi »…), d’autres sagement esquivés (l’impact de la politique, du contexte social… ).
Une époque en perte de repères : Dieu est mort, les grandes valeurs « travail, famille, patrie » se retrouvent quelque peu égratignées… une occasion sans précédent pour l’individu de se retrouver face à sa liberté, mais donc aussi face à sa responsabilité, voire face à un vide existentiel des plus angoissant. Occasion qui sera souvent gâchée dans une fuite en avant par le narcissisme, le consumérisme (dont l’achat compulsif d’ouvrages de développement personnel), voire les addictions, ou bien qui sera saisie pour enfin apprendre à penser par soi-même et (re)trouver cette liberté d’être, à la fois désirée et redoutée.
Alors oui à cette croisée des chemins, les marchands de rêves et de doudous réconfortants sont nombreux, et il s’agirait de ne pas tomber dans leurs pièges. Ce qui serait bien dommage alors même que nous sommes (supposément) tout juste libérés du joug de la religion et du poids des traditions.
Et le livre a pour sujet le développement personnel, donc il est bien normal qu’il s’attarde dessus pour nous en énumérer les failles. Certes. Mais je trouve ce zoom excessif, allant jusqu’à biaiser la perception du problème qui aurait pu être, il me semble, plus pertinente en étant plus large. Mais était-ce le but de l’ouvrage ? Probablement pas. L’homme de paille « développement personnel" (avant tout des généralisations à partir de trois ouvrages sensés être représentatifs de tout le genre), permet surtout de faire briller le contre-pied proposé : la philosophie. SA philosophie ?... Et cela fonctionne, mais non sans un léger arrière-goût, si ce n’est de malhonnêteté intellectuelle, du moins de jugement à l’emporte pièce.
Une critique des coachs sur 10 pages : pas fondamentalement fausse, j’imagine… Mais réel problème de fond ? Qui a réellement le temps et les moyens de se payer des séances de coaching ? A la limite, les influenceurs et youtubeurs peuvent toucher un plus large pan de la population, et là il y a un vrai sujet, en effet.
Pas mal de références à Freud… toujours un peu agaçant et surprenant de constater que malgré les énormes défauts percés à jour, aussi bien dans sa théorie que dans sa pratique, on continue malgré tout à nous en rebattre les oreilles.
L’auteur est très critique envers l’ « auto-réflexivité » et le comportementalisme, comme si chercher à prendre du recul sur soi ou à modifier ses comportements était forcément mauvais, et le « naturel » (définition, s’il vous plaît ?) était forcément la panacée… Bon… Disons que si un type m’agresse dans la rue parce qu’il laisse sa colère s’exprimer librement, son charme « naturel » ne me fera que très peu d’effet…
Pas mal de contradictions qui m’ont gênées parce qu’elles portent mine de rien sur le fond du sujet :
- L’auteur rejette tout d’abord l’idée d’un moi authentique caché, souvent mis en avant, c’est vrai, dans les ouvrages de développement personnel. Puis plus loin, citant Bergson, elle insiste sur l’importance du « moi profond », « authentique », caché sous le moi « superficiel » …
- Elle rejette également les recettes toutes faites mais nous dit en fin de compte ce que l’on devrait faire ou ne pas faire… Nous devrions par exemple nous laisser « mouvoir par l’émotion », tout en expliquant que « la tristesse nous écrase tellement que nous aspirons au néant »… OK ! On va peut être pas se laisser trop trop mouvoir non plus, du coup… ?!
- La discipline serait un obstacle, si prônée par le développement personnel : « la supercherie saute aux yeux dès que l’on comprend que cette littérature se pare de l’émancipation et de la libération qu’elle empêche par la discipline même qu’elle impose », alors qu’elle est présentée comme nécessaire en fin d’ouvrage lorsqu’il est question des idées de Nietzsche… : « La répétition, le besoin temporaire de se fermer à tout autre intérêt, la nécessité de se soumettre à des règles strictes, arbitraires, et de répéter inlassablement les mêmes gestes, une même discipline, sont la condition de la réalisation de soi-même ».
Le tout parsemé de quelques petites phrases réacs et autres citations anti-démocratiques…
Et puis enfin, dans le chapitre citant La Boétie, l’auteur affirme : « Mais aujourd’hui, en France, pays des droits de l’homme et de la liberté, à quelle servitude peut-on bien se soumettre ? Il n’y a plus de soumission politique. La soumission ne peut donc qu’être psychologique. » Plus de soumission politique ? Plus de violence exercée ? Vraiment ?…
Finalement, un livre construit, bien écrit et travaillé, qui m’aura donné envie de lire davantage de philosophie… mais moins imprégnée du bord politique de son auteur.