Holala, mais qu'il est bon ce bouquin compilant les œuvres autobiographies que Koestler ! Celui-ci est vraiment incroyable puisque l'auteur apporte un témoignage édifiant sur l'enfermement en prison. Evidemment c'est ici lié à un contexte précis, il ne faut donc pas s'imaginer que toutes les prisons sont pareilles (suffit de voir la différence entre "Le zéro et l'infini" et ce récit-ci).
Koestler est vraiment doué. Il parle de l'enfermement sans tomber dans le sentimentalisme ni tout ce qui en découle : c'est froid, c'est distant, c'est réfléchi. Seul petit écart, lorsqu'il se laisse aller à une petite note de mépris envers un condisciple. Mais on peut imputer cela au fait que c'est dans son journal qu'il a écrit dans la cellule (mais bon, vu qu'il ne s'est pas privé pour remanier des phrases ou étayer certains propos, il aurait pu virer cette petite ligne). Mais c'est tout. Pour le reste, c'est comme un documentaire, l'auteur expliquant avec le plus de détails possibles la vie en prison. Ce que l'on ressent, ce que l'on vit, ce que l'on expérimente, la manière dont le cheminement de la pensée évolue, la manière dont l'homme se rattache à la vie... C'est un écrit très précieux.
L'auteur possède en plus une plume très plaisante : ses tournures de phrase sont intéressantes, on dépasse le cadre scolaire, sa manière d'amener des détails, des informations est toujours agréables, subtiles. Ses descriptions ne sont jamais trop longues, il apporte juste ce qu'il faut pour ensuite passer à des réflexions plus philosophiques ou bien pour amener de l'action.
Ce qui me sidère avec ce type, c'est son sens de la structure, de l'ordre, du classement. Il parvient à concentrer ce qu'il a à dire dans tel ou tel chapitre mais ne mélange pas tout. Et ce malgré le fait que ce soit un journal intime. C'est comme si cet homme était naturellement enclin à compartimenter ses réflexions. Ou bien est-ce juste qu'il a bien restructuré son journal lors des remaniements. Je ne sais pas. En tous cas, cela donne une impression très claire de l'enfermement et l'auteur semble passer d'un thème à l'autre avec logique.
Je lui reproche simplement une petite chose liée à sa manière de structurer son récit. parfois, il est obligé de prendre de l'avance : par exemple il explique qu'il a dressé une liste à un gardien qui sera absent pendant 15 jours et qu'il reverra alors ; il approfondit ce moment avant de revenir... au début des 15 jours (forcément, c'est un journal fait au jour le jour, il ne va pas zapper définitivement 15 jours juste pour parler de ce gardien) ; le problème c'est que tant ce bond en avant que ce retour en arrière surprennent un peu le lecteur, le désarçonne je dirais même. Mais bon, passé quelques hésitations on reprend vite le fil de la lecture normalement.
Bref, ce roman est un vrai plaisir, Koestler est vraiment un très grand romancier. Il parvient à dépeindre sa détention avec réalisme tout en insérant les mécanismes de la dramaturgie, ce qui rend le récit toujours palpitant et jamais ennuyant ou juste 'théorique'.