« Je suis quelqu'un de vulgaire, mais ma musique ne l'est pas » (Mozart)

A une époque, j'écoutais régulièrement les chroniques d'Ève Ruggieri sur Radio Classique, et je trouvais ça à chaque fois génial. J'aime bien sa manière de raconter, pédagogique et au travers d'anecdotes, la vie des compositeurs et la genèse de leurs œuvres. On sent son attachement profond à la musique et aux compositeurs avec lesquels elle parvient toujours à tisser une relation très personnelle.

Par ailleurs, je suis allé voir récemment Don Giovanni à l'opéra pour la première fois. C'est une des expériences musicales les plus géniales que j'ai vécues et je n'ai parlé que de ça pendant un mois... si bien que quand le Dictionnaire amoureux de Mozart est sorti, on me l'a offert pour mon anniversaire.

Dans ses chroniques, Ève Ruggieri s'attache à redonner un contexte - historique, musical et personnel - aux morceaux que l'on écoute ensuite. Elle réussit à humaniser le compositeur, à nous le rendre proche par la description de son caractère et le récit de sa vie. Elle crée une familiarité avec les compositeurs qui me semblent d'habitude assez lointains. Beaucoup plus lointains que d'autres artistes, je ne saurais dire pourquoi. Peut-être parce que la musique « classique » est un genre qui n'existe - quasiment - plus aujourd'hui, et que ses plus grands représentants n'étaient pas Français. Peut-être aussi parce que les compositeurs étaient moins engagés dans la vie publique et politique que d'autres artistes qu'on connaît mieux (écrivain ou peintres par exemple). Bref, j'ai souvent du mal à me représenter l'homme qui est derrière la musique que j'écoute.
Et voilà exactement ce que permet de faire ce Dictionnaire amoureux de Mozart

De Mozart, je n'avais jusqu'ici que l'image de lui présentée dans le film Amadeus. Cette image survit d'ailleurs assez bien à la lecture de ce dictionnaire, qui la corrige légèrement et la complète largement. Mais comment ne pas être fasciné par ce génie à l'origine des airs les plus connus du répertoire ? Comment imaginer que derrière une musique si bouleversante se cache un homme aussi vulgaire, prétentieux et puéril ? Comment enfin ne pas regretter qu'une meilleure santé n'ait pas permis au grand Mozart de vivre plus longtemps ?

Ève Ruggieri arrive à trouver le juste milieu entre des récits biographiques sur Mozart et des anecdotes et sentiments personnels (il s'agit bien d'un dictionnaire; Ève Ruggieri est indéniablement amoureuse). Elle n'hésite pas à donner son avis, sur des personnages par exemple ou sur des débats historiques, mais elle conseille aussi des morceaux, des interprètes ou des chefs d'orchestre. On sent qu'elle sait parler de musique. J'ai retrouvé le même ton qu'à la radio, une écriture assez rythmée, et j'ai pu m'imaginer la voix d'Ève Ruggieri racontant toutes ces histoires.

Le dictionnaire a enfin les avantages et les inconvénients de sa forme. Ses entrées sont des noms de personnes (Da Ponte, Constanze Mozart, Karajan, Joseph II...), des évènements (Funérailles, Mort de sa mère...), des thématiques (Castrats, Argent, Franc-maçonnerie, Scatologie...), des lieux (Prague, Salzbourg, Versailles...), ou des œuvres (La Flûte enchantée, Symphonies, Don Giovanni...) La plupart des sujets se prêtent très bien à un découpage thématique, mais j'ai parfois regretté une approche chronologique qui aurait permis plus de clarté à certains moments.