Critique de Dictionnaire philosophique par Elise
Ce mec déchire.
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le 28 déc. 2011
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Voltaire est un personnage ambigu. Il se prétend philosophe mais ne produit aucun concept (le Dictionnaire philosophique est plus un recueil de réflexions qu'une réflexion philosophique), il écrit sur la tolérance (Traité sur la tolérance) mais se montre hargneux à l'égard de Rousseau allant jusqu'à falsifier des documents pour jeter l'opprobre sur le philosophe franco-suisse, etc.
Pourtant, il serait très excessif de condamner l'intégralité de l'oeuvre de Voltaire sous prétexte que le personnage fut ambigu et que l'ambition qu'il se prêtait ne se traduisait jamais vraiment dans les faits. Que retenir de Voltaire ? Un grand talent de satiriste. S'inscrivant clairement dans la voie du libelle polémique, Voltaire a l'intelligence de donner une nouvelle forme à cette critique frontale et souvent peu subtile : le conte philosophique.
Derrière cette expression un brin pompeuse, on retrouve surtout de courts récits, souvent drôles, cherchant à tourner en dérision certaines personnes, ou idées, ainsi qu'à porter quelques estocades. Dans Candide, Voltaire critique la philosophie de Leibniz en la caricaturant ("Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles"), comme il le fera avec Rousseau, mais ce n'est pas cela qu'il faut retenir. Sa critique est faible, grossière mais son écrit est éminemment drôle et bien mené. Voltaire joue de l'ironie et de la satyre avec brio.
L'extrait ci-dessous, de Candide, en est une belle illustration. Cunégonde surprend le docteur Pangloss, sophiste se faisant passer pour un philosophe, forniquant avec la femme de chambre. Derrière le langage ampoulé, les concepts et le développement intellectuel se cache en réalité une scène scabreuse. Voltaire caricature pour le plaisir du lecteur la philosophie de Leibniz en la transposant à une telle scène.
« Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du château, dans le petit bois qu’on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile. Comme mademoiselle Cunégonde avait beaucoup de dispositions pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle fut témoin ; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et s’en retourna tout agitée, toute pensive, toute remplie du désir d’être savante, songeant qu’elle pourrait bien être la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi être la sienne ».
Créée
le 5 janv. 2016
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