Certaines idées reçues ont la vie dure, à l'image de celle qui dit que la science-fiction ne tendrait à mettre en scène que des décors sombres et des futurs pessimistes. Mais cette idée-ci pourrait bien vivre ses derniers instants. Et pour cause, Ugo Bellagamba propose de l'effacer à grands coups de dictionnaire !
Qu'il soit pioché aléatoirement ou compulsé méthodiquement, cet ouvrage, qui brosse un large spectre allant de "Âge d'or" à "Violences" en passant par "Femmes", "Intelligences", "Mars" ou encore "Pouvoirs" et "Religions", entend balayer le cliché évoqué ci-dessus. En effet, l'auteur, par ailleurs romancier et historien du droit, entend bien mettre en évidence la veine utopique propre à cette littérature de genre, après en avoir vulgarisé le concept.
Partant de L'Utopie du philosophe anglais Thomas More, clé de voute de sa démonstration, il s'intéresse donc à une trentaine de sujets et à autant de notions générales, argumente sur chacun d'entre eux, étaye ses propos d'exemples et fournit de nombreuses références, le tout sans jamais tomber dans le travers de l'inventaire. Ce dictionnaire n'est pas un catalogue, loin de là, même s'il s'accompagne d'une bibliographie fournie qui invite autant à voyager "au grès des courants d'idées et des utopies prolongées de la science-fiction" qu'à se plonger dans tous les titres abordés.
Ainsi, d'une pierre deux coups, l'auteur s'attaque à une autre idée reçue : il prouve que les auteurs qui se frottent à cette forme ne se heurtent pas nécessairement à ses limites, telles que l'inévitable énumération ou la complexité d'une lecture linéaire. de plus, en développant une réflexion sur la dimension utopique de la science-fiction, il affronte et maîtrise la difficulté que pose le principe même des entrées alphabétiques : ouvrir l'ouvrage sur une problématique et l'achever sur une conclusion - étapes semble-t-il primordiales dans un essai digne de ce nom. D'ailleurs, en soutenant ce projet, le directeur de la collection Parallaxe, Roland Lehoucq, ne s'y est pas trompé. Et pour cause, Ugo Bellagamba n'est pas parvenu qu'à éviter les écueils. Il a composé un essai passionnant qui, s'il "n'a pas vocation à être lu dans l'ordre alphabétique", peut difficilement ne pas être dévoré comme tel.
Avec ce dictionnaire, beau et aussi ambitieux qu'audacieux, il se hisse "à la hauteur de son sujet" et apporte ainsi "matière à penser, à rêver, et à interroger le monde".
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