Sortant du cadre de l'horreur pure, King accouche d'un gros bébé désespéré, un pavé nihiliste d'une noirceur déprimante.
Structurellement, on sent l'intérêt de l'auteur pour les séries télé modernes, avec son découpage net, précis et cliffhanger. L'influence télévisuelle se ressent dans la multitude de personnages, une rareté chez un auteur souvent monomaniaque. La psyché des persos est un peu plus poussée que d'habitude pour un King : l'effort est réel, les maladresses / lourdeurs seront pardonnées par les fans, les autres seront perplexes ou se gausseront.
Sur la forme, Under the Dome est un vrai bon morceau de littérature américaine moderne, imprégné de pop culture, chaleureux et enjoué dans l'écriture. Un réel paradoxe vu la noirceur du fond : il s'agit certainement du roman le plus noir et le plus désespéré jamais écrit par l'auteur, qui, on le sent, a perdu toutes ses illusions sur l'Amérique... et sa population. On a rarement vu héros aussi inutile et bad guys aussi bien traités.
Cette apologie écœuré de la prédation triomphante devrait, dans un monde idéal, résonner comme une alarme. Un roman de King où la conscience politique prend le premier rôle, qui l'eût cru ?
On regrettera le final deus ex machina un peu foireux mais on n'oubliera pas la cruauté et le manque de pitié de l'auteur envers ses personnages, on frissonnera devant cette froideur implacable.
King est en colère et communique sa rage -et son impuissance -sur plus de 1000 pages. Un chef-d'œuvre de misanthropie éclairée, travesti en roman de gare, qui cependant donne à son auteur une toute nouvelle envergure littéraire.