Nous sommes en 2202, après la terrible "Guerre de une heure" la Terre s'est vu ravagée et irradiée dans de très nombreuses régions. Dans ce contexte, la religion s'est de nouveau imposée comme du temps du moyen âge. Ainsi la foi chrétienne est de nouveau devenue le moteur principal et moral de la société, société dans laquelle le pape Urbain IX dirige l'Empire Chrétien Moderne. Une nouvelle théocratie s'appuyant sur un régime féodal de seigneurs locaux plus ou moins puissants et plus ou moins fidèles (au minimum en façade) au pape.
Dans ce renouveau religieux on relance des missions pour propager la foi et pas que sur la Terre. Non, on en lance même une sur une planète d'Alpha du Centaure !!! Et au milieu de la population d'extraterrestre que sont les Atamides on ne découvre rien de moins que le tombeau du Christ. Il n'en faut pas plus pour qu'une croisade s’apprête à prendre la route vers cette nouvelle Jérusalem telle que les anciens chrétiens en lancèrent en l'an 1096...
L'univers est bien construit et ne plaira pas à tout le monde. Surfant entre transposition et simple inspiration de la première croisade et du poème "La Jérusalem délivrée". Dans ce monde post apocalyptique la société est en effet revenue à une société du moyen âge. Ainsi ce n'est pas l'argent ou la politique pure qui a le plus de pouvoir mais la religion. Le pape est de nouveau un personnage tout puissant du monde occidental qui domine le reste de la planète. Oubliez l'ONU pour arbitrer et calmer les tensions entre les territoires ici c'est l'église qui arbitre et le pape est le juge suprême. Au diable les libertés de penser, la Foi prime. On se retrouve donc avec 2 "factions" principales : les ultras (les plus fanatiques) et les modérés, à ces factions on peut également rajouter les templiers et la legio sancta (sorte de petite inquisition). Une religion dominante donc, mais cette domination s'avère accentuée par le retour à un système féodale. Donc dans ce monde post apocalyptique, on parlera peu d'enjeu à un niveau national puisque le pouvoir s'appuie lourdement sur les seigneurs locaux qui sont le véritable pouvoir. On retrouve alors un découpage en duchés proche du Xème siècle : Normandie, Flandres, Lotharingie... Mais ce retour de la dominante religieuse n'est pas synonyme d'obscurantisme. Au contraire, le niveau technologique et les sciences n'ont absolument pas régressés et franchissent même certaines barrière (comme la manipulation génétique), la religion devient un simple outil justificatif de la moral et de l'ordre.
Les couches de la société sont également bien moyenâgeuses. Les seigneurs sont avant tout des seigneurs de guerre même si cela ne les empêche pas d'être de fins politiciens. La caste des soldats est la mieux valoriser et une excellente carrière militaire (par les victoires et les exploits sur le champ de bataille... avec un soupçon de bonnes relations si possible) reste le meilleur moyen d'accéder à la noblesse tandis que les populations plus techniques / intellectuelles sont dévalorisées... surtout si elles ne semblent pas "motivées" par la foi. Les "enrôlés de force" se retrouvant ainsi considérés comme des sous-hommes tout en bas de l'échelle. Le clergé restant quand à lui à part dans son coin. Notons également que la condition de femme a également fait un rude retour en arrière. Nous découvrons ces différentes couches et les relations entre elles à travers les 2 personnages principaux : Tancrède de Tarente et Albéric Villejust. Le premier est un soldat (option templier) respecté et admiré car figurant dans le haut de la hiérarchie des meilleurs combattant. Assez charismatique, se remettant en question notamment sur la question de la foi aveugle et des conditions des autres alors qu'il est dans la noblesse. Le second est un enrôlé de force (un inerme), informaticien très doué mais rejeté et lynché comme tout autre inerme va finalement décider d'arrêter de courber l'échine et rejoindre la rébellion.
Mais les personnages secondaires ne sont pas en reste non plus. Si l'on retrouve les grands noms de la vraie première croisade parmi les seigneurs de guerre et le clergé comme Pierre l'Ermite, Godefroi de Bouillon, Hugues de Vermandois, Bohémond de Tarente, Robert de Normandie, Volkmar... ne vous attendez pas cependant à ce qu'ils soient des copies de leur ancêtres dans leurs valeurs et leur comportement. Pour autant les "petites mains" ne sont pas délaissé avec les amis, collègues et autres soldats comme les frères Tournai en tête. Et c'est d'ailleurs par ces petites mains que toute l'intrigue va se déclencher...
Car oui, le diptyque de Dominium Mundi a beau parlé de croisade, ce premier tome n'en est que le voyage aller et vous n'aurez donc pas de bataille et autre guerre ici. Un voyage assez long qui va mettre en scène un peu les entrainements et les préparatifs mais qui va surtout être le théâtre d'un petit thriller. Alors qu'on vit tranquillement avec nos héros s'entraînant du côté de Tancrède ou bien commençant à intégrer la rébellion du côté d'Albéric, tout va commencer à partir en cacahuète et accélérer avec la mort d'une amie des frère Tournai. Mort dont l'enquête va être trop vite expédié pour conclure à un malheureux incident ce qui va pousser Tancrède à mener sa propre enquête. Et ça à ce moment que plein d'enjeux politique vont intervenir dans la balance. Et comme on ne se limite pas au point de vu de Tancrède, cela rajoute un aspect jeu politique très sympathique où se mêle guerre de territoire et d'influence le tout sur fond de prétexte religieux.
Mené de manière efficace et intelligente dans un univers solide cohérent (qui se rapproche un peu de Dune / Warhammer 40.000 sur certains aspects), Dominium Mundi n'en est pas pour autant excepte de défaut. Le premier étant un certain classicisme dans le déroulement et aucune véritable surprise. Un roman qui sort du lot, mais pas encore suffisamment pour aller chasser sur les terres des Herbert, Hamilton et Simmons...