"On n'échappe pas à son schwitt"
Dondog, c’est le nom de la blatte humaine Ybür, survivant dans les camps où il attend le jour de sa vengeance.
Dondog c’est le nom du livre de Volodine qui traite de la 1ère et 2nde extermination des Ybürs à travers la mémoire fabulatrice de divers narrateurs s’échangeant les vues sur les événements (perspective « chamanique »).
Dondog est un livre puissant qui parcourt les territoires du post-exotisme si étranges par leurs images, si proches par les échos qu’il fait résonner dans la mémoire collective.
Car ce livre travaille cette matrice de proximité et de décalage sur le sujet (l’objet ? le débris ?) de l’extermination ethnique.
Bien sûr, on n’est nulle part. Bien sûr tout lien avec des personnes ou des événements connus sont fortuits… Mais en même temps : les camps, la purification ethnique, les exécutions sommaires, le glissement onomastique possible des Ybürs aux Ouïghours, on reconnait avec horreur cette fange historique s'étendant sur tous les continents. Et cette hésitation créé un malaise bien plus puissant que si le référent était précisé. Ce ne sont pas les chinois, les khmers, radio Mille Collines, les nazis, les pogroms, les exactions soldatesques de telle ou telle guerre, c’est un peu de tout cela, de toutes ces catastrophes, de toutes ces situations passées, présentes, et peut-être à venir.
C’est pourquoi à mon sens, en cela Volodine réussit par la fiction à mettre en question une triple question historique (qu’on lui a souvent adressée) : peut-on parler de ce dont on a pas été le témoin ; que peut l’histoire ou la littérature pour éviter le pire de se reproduire ; peut-on écrire après Auschwitz.
Dondog est un livre qui répond à ces questions avec toutes les réponses brutales que cela suppose. Avec aussi ses vertiges et son courage.
« Schlumm et moi, nous sommes restés très unis, très indissociables depuis cette nuit-là [seconde extermination Ybürs], depuis la nuit des péniches qui n’est pas terminée encore, qui n’est pas terminée encore, qui ne sera jamais terminée, depuis cette nuit que, certes, même des Ybürs parviendront à éclaircir grâce à l’oubli, mais que nul ne saura clore véritablement, car, quoi qu’il arrive, de nombreux Schlumm de tout âge et de tout acabit y ont élu, comme moi, domicile, sachant qu’il fallait y rester pour que nul ne la pût clore. »