Roue de bicyclette
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Eric et Willy se rencontrent sur un court de tennis : le coup de foudre est instantané. Très vite, ce qui est toute sa vie pour l'une et un passe-temps agréable pour l'autre termine de les rapprocher. Un mariage s'ensuit et une compétition acharnée débute.
Willy supportant mal la nonchalance avec laquelle Eric progresse dans ce domaine qu'il ne vénère pas contrairement à elle commence à nourrir une rage et amertume pourrissant leur relation et son seul véritable amour, son tennis.
Comme le souligne l'auteur en début de livre, l'histoire bien qu'intimement liée au tennis décrit de manière plus générale les dissensions dans un couple marié quand surgit la compétition, qui plus est quand elle est ressentie que par un seul des partenaires. L'un progressant jusqu'à dominer l'autre ne voit rien d'avilissant ou dérangeant ; l'autre étant parti comme la meilleure et voyant les rôles renversés avec facilité et humilité par la personne qu'elle est censée aimer, nourrit une rage sourde mais profonde.
Tout le vocabulaire tennistique accompagne et étouffe par moments le récit. La relation des deux est dès le début amenée de manière un peu gauche "vite passons au mariage qu'on puisse entrer dans le vif du sujet". C'est ce qui est fait, c'est expédié et la rencontre/la demande sont rapides, pas trop trop crédibles et décevants. Mais voilà, le but n'était pas de dépeindre la rencontre (si ce n'est la position qu'ils avaient au début l'un par rapport à l'autre pour ensuite observer les changements) du coup ça peut être acceptable même si un effort aurait été bienvenu pour rendre cette partie présentable.
Pas ultra-attachante, on suit (comme dans Big Brother ou Il faut qu'on parle de Kevin que j'ai pu lire) une femme ambitieuse, relativement indépendante, à qui la réussite sourit. Ce côté anti-héros de suivre quelqu'un d'imparfait est aussi ce qui fait le charme de ces histoires dont le prisme est donc amené par quelqu'un d'intransigeant, souvent amer et envieux. En ça, pour les fans de ce que fait Shriver (genre moi, coucou) on le retrouve. Ce qui pose problème c'est plus le fait que la situation tourne rapidement en rond. L'approfondissement n'est peut-être pas aussi aboutit que ce qu'on était en droit d'espérer, le personnage principal se révélant trop "limité" et sourd à des discussions qui auraient pu mener à une introspection plus constructive. À côté de ça on a le mari parfait qui reconnaît ses fautes, est ouvert, compréhensif, tout en continuant d'être bon dans tout ce qu'il entreprend. En cela ça transmet la frustration que ressent Willy à lui en vouloir alors qu'il ne veut que son bien à elle mais c'est en même temps quelqu'un de REELLEMENT trop parfait pour qu'à des moments on ne se dise pas "putain faut arrêter là, c'est abusé de lui donner tant de qualités".
Du coup, tout le livre se coltine cette amertume sans trop de relief dans un mariage qui en 4 ans donne l'impression d'avoir duré 20 ans alors même que les protagonistes ne se voient qu'épisodiquement du fait de leurs obligations respectives dans des compétitions qui les mènent un peu partout.
Les relations avec les familles respectives sont vaguement intéressantes mais trop caricaturales pour ne pas regretter une facilité intellectuelle et de la psychologie de bas étage. "son père à elle transmet sa désillusion à sa fille ; son père à lui l'encense tellement en tant qu'aîné que le reste de la fratrie finit en drogué, mythomane ou une personne profondément perturbée à cause de la comparaison trop lourde à porter"
De même que le style d'écriture qu'on reconnaît facilement où les personnages lassés de leur vie ou amers, on retrouve également un thème cher à l'auteur : la position de la femme, ce qu'on attend d'elle, la vie à laquelle elle est censée aspirer, les discriminations qu'elles subissent de manière même plus conscientes, etc... Cela reste intéressant et dérangeant à la fois de voir montré une femme avec des aspirations toutes personnelles et qui peuvent être moins belles, nobles et douces que ce qui est implicitement attendu d'elles.
Bref, moins passionnant mais avec toujours ce côté jubilatoire des grosses phrases alambiquées mais intelligentes, Double Faute se lit bien sans toutefois laisser un souvenir impérissable.
Fans de Lionel Shriver, vous trouverez de quoi vous nourrir tout de même et il y a de quoi être déprimé, triste et défaitiste arrivé à la fin où on se rend compte qu'on s'est attaché et qu'on aurait aimé qu'une prise de conscience miracle sauve la donne.
Créée
le 13 juil. 2015
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