J’ai sans doute un problème avec García Márquez : j’ai dû commencer trois fois Chronique d’une mort annoncée sans jamais dépasser la page 20, et mis deux mois pour venir à bout de ces douze récits. Et une fois ces cent cinquante malheureuses pages terminées, je me suis demandé ce qu’il y avait à en garder.
Qu’on soit bien d’accord : ces Douze contes vagabonds*Texte en italique* n’ont rien d’esthétiquement révoltant, proposent véritablement de la littérature, ne sont – pour ce que la traduction d’Annie Morvan me permet d’en juger – pas mal écrits, ni mal construits. J’aime bien « Je ne voulais pas téléphoner », quoique avec dix pages de moins on aurait un véritable chef-d’œuvre à la Kafka. Il y a même quelques formules percutantes : « son bras d’ours polaire dressé à l’art de tuer par inadvertance » (dans la nouvelle en question, p. 69) ou « Elle était comme une messe du dimanche sans la consolation d’un chant » (dans « L’Été heureux de Mme Forbes », p. 122).
Çà et là évoluent des personnages intéressants – je veux dire intéressants à l’échelle d’une nouvelle –, comme dans « Bon voyage, monsieur le Président » ou « La trace de ton sang dans la neige ».
Et ensuite ? On finit par se demander quel est le propos. Voire s’il y a un propos. Tout est tellement dilué… Par moments, j’ai eu l’impression de me retrouver face à l’un de ces clichés de films français, techniquement très propres, construits à partir d’une excellente idée, mais désespérément dépourvus d’âme – ou de piquant, ou de fun, ou de quelque nom qu’on donne à cela.