Moscou, début des années 1820.
Après avoir passé trois ans à l'étranger, Tchatski, ami d'enfance de Sofia Pavlovna, fille d'un chef de service de l'administration impériale aux dents longues, se replonge dans l'univers des salons moscovites avec un oeil neuf, critique et révolté sur la société. Se croyant épris de la jeune femme et se posant comme légitime prétendant, sa déconvenue est grande quand il retrouve la dame de ses pensées aussi froide à son endroit qu'un glacier du Kamtchatka, et visiblement éprise en secret d'un autre...
Alexandre Griboïedov n'est pas un dramaturge très connu en France - enfin c'est ce qu'il me semble. Et pourtant, c'est avec talent et audance qu'il dénonce très tôt - sa pièce sera interdite et circulera abondamment sous le manteau - la sottise des classes aisées lancées dans la course à l'échalote des "carrières" (militaires ou administratives), des beaux partis, des grosses dots et des mirifiques honneurs.
Dans cette pièce en quatre actes et aux scènes brèves, mettant en scène de très nombreux personnages, le verbe sonne haut et fort, acerbe et blessant. Tourbillonnant kaléidoscope des aspirations et des ambitions, aussi vaines et ridicules les unes que les autres ; déprimant constat qu'il est bien difficile pour la jeunesse de faire bouger les pièces du jeu - quelle que soit l'époque. L'innovation, les réformes et les nouvelles idées sont très loin de plaire aux riches et/ou nobles Russes qui renient leur identité en adoptant maladroitement les modes occidentales et se confisent dans leur conservatisme grand teint.
Sur la forme, j'ai aimé le rythme de cette pièce ; toutefois, j'ai peu apprécié qu'elle soit écrite en vers. C'était certes dans l'air du temps mais aujourd'hui le contraste est frappant entre des propos à la forme surannée et leur actualité toujours vive.