Quelques spoilers légers émaillent cette critique, à peine plus que la 4eme de couverture.
Piégé par mes propres représentations. Voila ce que je me suis dit au bout de 50 pages. Un livre de sf-horreur édité chez Actes sud, c'était forcément une oeuvre de qualité, inventive, séminale, à lire sous plusieurs prismes pour en cerner la richesse. Éclosion, avec sa couverture représentant un suburb paisible et sa 4eme de couverture mystérieuse devait forcément évoquer, au-delà de cette histoire d'araignées tueuses, le malaise de nos sociétés, la dangerosité d'une humanité poussée aux abois par une nature qu'elle maltraite depuis des décen... Et en fait non. Pas du tout. J'attendais du livre autre chose que ce qu'il voulait ( pouvait ?) m'offrir. Bien fait pour moi, c'est salvateur.
Éclosion raconte l'histoire d'une invasion d'araignées à l'échelle du monde. Il s'agit d'un livre de monstres très basique qui se lit vraiment très bien. Un page-turner structuré en chapitres courts, inlassablement clos par des cliffhangers attendus, pour ne pas dire surannés.
En effet, le livre de Boone est un projet très surprenant et à contretemps des livres actuels. Plus qu'une filiation avec la trilogie des rats de Herbert, il faut voir dans Éclosion un film de Roland Emmerich. Le rythme est cinématographique, la prose imagée. Boone coche toutes les cases de la série B des années 90 (voir des années 50, vendue au kilomètre de pellicule) :
- un lot assez incroyable de personnages clichés. Jugez plutôt : Mike, l'agent du FBI, divorcé, vampirisé par son travail et qui n'a pas le temps d'aller voir le match de soccer de sa fille ( écrire un perso pareil en 2018 c'est, au mieux, de la nostalgie). Son collègue Leshaun, un tough motherfucker qui préfère faire son boulot plutôt que suivre les ordres (?). Mélanie, biologiste spécialisée dans les araignées et tough motherfuckeuse à ses heures perdues. La présidente américaine ( 2018 oblige...) qui met le bien être des citoyens au-dessus de ses intérêts personnels quitte à motherfucker un peu son conseil de défense composé de vieux généraux rabougris. Je vous laisse découvrir Kim, belle chef d'escouade de Marines qui sait se faire respecter de ses hommes.
- une montée en puissance à base de scientifiques qui ne comprennent pas les signaux radio/sismiques/biologiques de partout dans le monde.
- de l'humour bon marché pour décompresser le spectateur-lecteur.
- le récit pluriel et mondial d'une humanité qui cherche à s'organiser... Mais où seuls les Américains sont incontournables.
Bref, Éclosion est une oeuvre hommage qui ne cherche pas à réinventer la littérature. Elle est franchement sympathique pour celui ayant été ado quand independence day est sorti au cinéma et il est difficile de passer un mauvais moment de lecture.
Mais alors, pourquoi seulement 4? Un excès de snobisme me poussant à sanctionner Actes Sud de frayer avec la série B la plus grasse ? Non. La réponse est plus décevante. Le livre est malheureusement pas terrible, au-delà de sa note d'intention, rigolote et respectable. Boone n'écrit pas bien. Il est compréhensible, se lit rapidement mais est absolument incapable d'insuffler des émotions : le "suspense" est éventé en quelques pages ( même si l'auteur mettra plus du tiers du livre à appeler un chat un chat ou plutôt une araignée une araignée); le livre ne fait pas peur; les personnages rappelleront des souvenirs aux amateurs de bisseries mais ne génèrent aucune empathie. Ils n'existent pas. Enfin, le livre pâtit d'une structure en 3 tomes et ne raconte, pour ainsi dire, pas grand chose. Tout est cousu de fil blanc, il n'y a aucune surprise.
Boone donne surtout l'impression d'espérer une adaptation ciné de son travail et prémache le travail d'un hypothétique scénariste peu ambitieux et inspiré. Il rêve déjà d'un casting mené par Gérard Butler. Il fantasme ses hordes d'arachides animées en cgi. Il en oublié d'écrire un bon récit.
Infestation et destruction clôturent la trilogie. Une chance, peut être de donner du corps et de la personnalité à l'histoire après un premier tome divertissant, mais creux. Au moment de fermer Éclosion, je ne sais pas si j'ai envie de les lire, de les rajouter dans la pile des romans qui m'attirent mais que je n'ai pas encore eu le temps de découvrir. Peut-être à tarif réduit pendant la fête du cinéma, comme à l'époque.