André Gorz est semble-t-il le premier philosophe écologiste français, il retenait donc mon attention depuis quelques années.
Sur le style, pour qui a l'habitude de lire des essais, il s'aborde assez facilement et reste résolument pragmatique, il n'y a globalement pas de disgressions philosophiques à même de perdre le lecteur.
Le texte constate sans ambiguité l'hégémonie du capitalisme productiviste que l'auteur réprouve avec virulence.
Il ne croit pas déjà en son temps à un capitalisme plus vert qui ne conduirait qu'à augmenter les prix et donc à augmenter les inégalités et nom d'un navet, c'était vrai et ça l'est toujours !
Par conséquent le dogme de la croissance est frontalement attaqué.
Il repère également ce qui sert de chantage à l'emploi et à l'impôt : la balance commerciale est un concept qui n'a aucun sens puisque les corpos localisent leurs bénéfices où elles le souhaitent.
La concurrence n'existe plus depuis que seulement quelques corpos se partagent chaque secteur d'activité qui s'échangent tantôt les moyens de productions, tantôt les marchés ce qui est toujours aussi vrai 50 ans plus tard.
Pour sortir de l'ornière exclusivement politique, il attaque aussi nos modes de vies : évidemment, la voiture et la viande sont condamnées. Selon l'auteur, c'est la voiture qui a tué la ville par son bruit et sa pollution et nous a donné envie de vivre loin de la ville, cruel paradoxe d'une solution qui a créé son problème.
Dans l'ensemble le texte se refère un peu trop souvent à Illitch qui est par trop repris.
Parmi les points d'hygiène de vie qui sont aussi attaqués, il y a aussi la médecine et là Gorz en relativisant un peu trop l'efficacité des vaccins fait un peu penser aux puristes anti-vaccins américains et c'est un peu triste, mais dans l'ensemble, il défend un mode de vie plus vertueux arguant que le plupart des maladies viennent de nos excès, encore un point toujours vrai aujourd'hui.
La médecine se fait rosser en beauté, très cher pour une trop petite minorité, il revendique également déjà en son temps à droit à mourir dans la dignité.
Reste le problème de la révolution : en discussion avec Sartre notamment, on arrive à la conclusion que le changement ne se fera pas à l'échelle institutionnelle mais en dehors des institutions mais menées par des gens méfiants à l'égard de ces mêmes insitutions qui ne reproduiront pas les mêmes erreurs.
Ce point aussi qui me parait crucial : " Sans la lutte pour des technologies différentes, la lutte pour une société différente est vaine" Si Bernard Friot avec son salaire à vie veut arracher aux entreprises le pouvoir discretionnaire des salaires, on conclut ici qu'il faut arracher également aux corpos leur gouvernance d'investissement, elles ne peuvent décider seules de leurs investissements et donc des technologies futures ! Soyons honnêtes, c'est bien mal barré :/
Un chapitre sur le constat totalitaire de l'Etat et des corporations établit la destruction de la société civile et invite donc à l'auto-gestion.
Quand au dernier chapitre qui est une sympathique ouverture utopique, il faut vraiment la lire, je vous en donne la dernière phrase :
Le Premier Ministre conclut que pour favoriser l'imagination et l'échange d'idées, la télévision ne fonctionnerait plus le vendredi et le samedi.