Électre
7.7
Électre

livre de Euripide ()

"O Phoibos, si le droit que tu as proclamé est obscur, visible est le malheur dont tu nous accables"

Révolté, Euripide. Contre les dieux, contre la cité.

Révolté, et imprévisible. Ses tragédies sont hétéroclites, mélangeant les formes, rompant le ton tragique (notamment par la parodie).

Désordre de la tragédie, désordre humain, désordre divin : c'est tout un.

Les dieux s'engueulent entre eux. Leurs lois? Vaudrait peut-être mieux pas leur obéir, en fait. "Phoibos a beau être sage, l'ordre qu'il t'a donné ne l'était point du tout". Quel est le sens, alors, de la justice, elle qui n'était pensée qu'en référence au divin? Comment savoir quel est le juste châtiment, si cet étalon n'existe plus?

Toutes ces questions ont sans doute été rendues possible par d'importants changements dans les mœurs. Prenons Eschyle, tiens. Ses dieux font partie intégrante du monde des hommes, et ils rendent justice; tandis que chez Euripide, la justice n'est peut-être "que" la conscience des hommes, qui se manifeste par le remords, le regret. Ce sont des sentiments, des passions. Tout comme le désir que justice soit faite, assimilable en fait à la vengeance. Clairement, ce ne sont plus des valeurs "transcendantes" qui sont cause de l'action des hommes, et aucune instance divine ne peut réparer le mal qui a été fait. Reste la culpabilité, plus déchirante que les griffes des Erinyes, et sans remède. Une transformation du rapport au divin, et du regard porté sur l'humain, devait avoir lieu.

En effet, chez Euripide, le monde n'a plus de sens, et d'ailleurs on peut se demander s'il y a encore un monde ... Mais il y a une condition humaine. Condition que les héros tragiques partagent, eux qui vivaient autrefois dans un monde noble, séparé du nôtre. Ils sont descendus de leur piédestal. Electre épouse un paysan. Le quotidien envahit la scène. Les personnages se multiplient. Nous voici donc parmi les hommes, si divers, si multiples, si fuyants. Tout est mêlé et ambigu. Euripide se garde bien de plaider pour quoi que ce soit; aucun "idéal" n'est défendu sans nuances. La cité est fragile, parfois injuste. Les valeurs mêmes sont hybrides. Ni bien, ni mal.

Moi j'ai bien aimé.
Girofar
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le 13 oct. 2014

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Girofar

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