Voici un grand et beau roman. Aussi simple qu'un conte de veillée et aussi complexe qu'un poème. Elias et Maddalena. Histoire d'une passion amoureuse interdite ; histoire d'un adultère que l'on appelle de tous ses vœux tout en en redoutant les inévitables et terribles conséquences.
Grazia Deledda a reçu le Nobel de littérature en 1926 et est, à ce jour et à ma connaissance, le seul auteur italien récipiendaire de cette récompense si convoitée. Femme de lettres sarde, c'est donc avec un grand naturel qu'elle raconte sa terre natale et quel voyage ! Avec le même amour que Thomas Hardy pour décrire la campagne anglaise, Grazia Deledda décrit Nuoro et ses paysages, anime ses pâtres et ses paysans, fait flamboyer les costumes, rend hommage aux traditions, peint les us avec la minutie d'une pastorale de François Boucher.
Les personnages sont touchants de réalisme et d'idéal. Leur histoire est poignante. Ils respirent la jeunesse tout en étant empreints d'un lourd héritage séculaire, celui du travail de la terre, codifié jusque et surtout dans ses interdits. Aussi inexorable qu'un atavisme familial.
Je me suis laissé séduire par la beauté du verbe, par la clarté de l'évocation d'une île aussi belle que rude, très éloignée de la destination "carte postale" d'aujourd'hui. Et parce que la Sardaigne a sans doute perdu une partie de son âme à cause du tourisme et du bleu turquoise de ses criques, "Elias Portolu" est aussi un témoignage d'une époque révolue et à jamais tombée dans les limbes de l'oubli.