Cet opuscule est la mise à l'écrit d'une conférence qui a été tenue en 2010 à la Maison franco-japonaise de Tokyo, et j'ai un peu honte, en tant que français, de ce qu'ont dû en penser les Japonais en sortant.
L'idée est au fonds simple, voire simpliste : la mondialisation promet un monde sans frontière. Mais au fonds, nous avons besoin de frontières comme de rites de passage pour nous confronter à l'altérité.
L'exposé de Debray est décomposé en cinq parties : "A contre-voie", qui rappelle le postulat de départ de la mondialisation ; "Au début était la peau", sur les liens entre frontière et sacré ; "Nids et niches, le retour", sur ce qui résiste à cette mondialisation ; "Clôtures et portails, la montée", sur le retour de boomerang vers de l'identitaire ; "la loi de séparation", sur le besoin de se ménager des sanctuaires face à la mondialisation.
En réalité mon résumé est trompeur, voire flatteur pour l'ouvrage, car il est difficile de suivre un véritable fil directeur dans cette accumulation de petites notations sans ordres. Debray a le goût du slogan, il adore jouer avec la proximité des syntagmes, quitte à se payer de mots, comme quand il dit des langues : "stagnantes, elles doivent leurs rebonds à leurs rebords". A chacun de voir si derrière ces traits d'esprit il y a beaucoup de profondeur ou seulement du brillant.
Par ailleurs, malgré le contexte d'énonciation, Debré parle surtout d'un point de vue franco-français. Et ne cherchez pas chez lui une quelconque rigueur conceptuelle : il met derrière la frontière tout ce qui délimite un intérieur et un extérieur. Par conséquent il parle pêle-mêle des conflits entre Etats, du besoin d'absolu, des tendances sécuritaires et de discrimination socio-spatiale, mais aussi des différences culturelles en général, bref, peut-être ma khâgne m'a un peu trop donné le réflexe du plan en trois parties, mais j'aime bien quand on a l'impression de progresser dans un exposé, en partant d'un postulat pour aller vers une conclusion.
Et puis bon, Debray a l'air de se trouver très original et frondeur alors qu'il enchaîne tarte à la crême sur tarte à la crême. C'est peut-être un signe de vieillesse : se croire subversif quand on ne l'est plus. Et je dis cela en mettant de côté le Debray de Révolution dans la révolution, car il est toujours facile de juger quelqu'un d'âgé à l'aune de ce qu'il a été.
Mais bref. Vraiment pas top, Régis.