Quel métier, quel travail pour quelle société ?
Un livre essentiel pour l'époque. La volonté de l'auteur est de légitimer les questions que peuvent se poser aujourd'hui les individus sur le travail. L'exposition « carburateur » de l’expérience vise avant tout à présenter la satisfaction obtenue par la réalisation du travail manuel, par opposition au travail dans les bureaux, trop morcelé et détaché d'un objectif cohérent. L'auteur, diplômé en physique et en philosophie, apporte ses conclusions à partir de ses propres expériences professionnelles dans les secteurs manuel et intellectuel. C'est cette réalité qui interpelle et touche directement ceux qui ont connu, ou connaissent, un désenchantement devant des promesses de carrières, de postes ou de réussites annoncées.
Études "obligées" conduisant à un bac + 10 pour être femme de ménage, dévalorisation d'un travail manuel qui entrave une consommation imposée du non-réparable, absurdité d'un travail pour justifier la vente de prestations au final inutiles, sont autant de questions soulevées par le vécu de l'auteur et validées par l'avis des spécialistes sollicités.
A l’heure d'une souffrance au travail grandissante, d'un artisanat généralisé comme solution humaine, d'un management dépassé par des possibilités techniques appliquées sans réflexion réelle, l'ouvrage, à défaut de solutions dont il n'a pas la prétention, éclaire un non-sens dont les conséquences sont aujourd'hui de plus en plus manifestes.
PS. A noter une traduction de "working process" par "procès du travail" sur les trois quarts du livre !
Citations :
« Il est pertinent de se demander si la dégradation du travail n'entraine pas non seulement un abrutissement intellectuel, mais aussi un certain déficit de compétence morale. »
« Le savoir-faire artisanal suppose qu'on apprenne à faire une chose vraiment bien, alors que l'idéal de la nouvelle économie repose sur l'aptitude à apprendre constamment des choses nouvelles : ce qui est célébré, ce sont les potentialités plutôt que les réalisations concrètes. »
« Il y a bien des indices qui démontrent que la nouvelle frontière du capitalisme, c'est l'application au travail de bureau des mêmes procédés jadis appliqués au travail d'usine, à savoir l'élimination de ses éléments cognitifs. »
« Il est aussi des gens qui sont incapables de manœuvrer correctement une poignée de robinet. Mais en partant de l'hypothèse radicale de l’incompétence généralisée des usagers, le robinet automatique à détecteur infrarouge ne se contente pas de répondre à cette éventualité, il l'établit comme un fait accompli, comme la norme du comportement humain. Ce faisant, il promeut une espèce d'infantilisation qui offense l'esprit indépendant. »