On trouve toujours quelque chose pour nous donner l'impression d'exister.

Cette pièce de théâtre est la première pièce de Samuel Beckett, qui lui même n’est pas un grand amateur de théâtre puisqu’il dit ne pas en lire ni en voir. Avec une telle description il est difficile de s’imaginer que Beckett ait pu écrire une telle pièce aussi remarquable en complexité. Cette pièce peut être comprise de plusieurs manières différentes et on nous le fait bien comprendre et c’est pour cette raison que cette conclusion n’engage que mon avis personnel. Beckett nous joue le théâtre de la vie de deux vagabonds à travers une pièce très humble dans ses intentions. Godot ne serait qu’un prétexte pour nous jouer une partie de la vie de deux personnages qui au-delà d’être des vagabonds sont aussi des amants, des humains, des consciences. Ces deux personnages sont alors bloqués dans un cadre temporel où ils attendent indéfiniment quelqu’un qui ne viendra jamais pour eux. Effectivement, Vladimir comme Estragon se sentent rejetés par le monde, mais aussi par une conscience au dessus d’eux, Godot. L’ennui et l’attente caractérisent cette pièce, ce sont d’ailleurs ces deux états qui amènent Vladimir et Estragon à se questionner sur la vie, une réflexion qui les mènera à une conclusion nihiliste : mieux vaut mourir. Et c’est Godot qui finira par sauver le couple suicidaire puisqu’il ne peuvent pas mourir tant qu’ils attendent.

Durant la lecture, il est important de réaliser que nous sommes nous aussi en train d’attendre Godot. Nous sommes nous aussi en train d’attendre la pièce se finisse, que Vladimir et Estragon retrouvent cette fameuse personne, nous sommes nous aussi dans l’attente de celui qui ne viendra jamais, si seulement nous croyons encore qu’il existe.

Je trouve que cette pièce est une magnifique initiation à l’absurde et nous ouvre à des réflexions importantes comme l’importance d’avoir une raison d’attendre encore qui ne viendra jamais. Sans un mot qui nous induit à une réflexion telle, « En attendant Godot » nous questionne sur des sujets profonds que l’on ne s’attendait pas à retrouver dans l’histoire d’un couple de pauvres gens qui attendent leur ami à coté d’un arbre.

Un ami ? Vraiment ? Mais qui est-il, cet ami ?

Godot n’est pas un réel personnage de la pièce bien qu’à lui tout seul, il constitue toute l’intrigue de la pièce. Bien qu’il n’apparaisse à aucun moment, Godot est sans doute le personnage le plus intéressant de la pièce. Effectivement, nous pouvons le concevoir comme une entité inconnue, un concept puisque l’auteur lui même ne saurait dire si Godot existe réellement. Il est la raison pour laquelle Vladimir et Estragon attendent des jours dehors sans pour autant qu’il soit un de leurs amis. En effet, il est dit que Godot aurait vaguement donné rendez vous à Vladimir à coté d’un arbre, sans plus, Godot est donc une simple connaissance pour laquelle ces vagabonds sont prêts à attendre des jours la venue. Godot avait il une réelle intention de venir ? Ou existe-t-il seulement ? Nous pouvons voir Godot comme plus qu’un entité inconnue : une entité mystique. Godot serait alors un concept du temps qui passe, d’une conscience ou bien d’un tout puissant. Comme l’a écrit l’auteur « Je ne sais pas qui est Godot. Je ne sais même pas, surtout pas, s’il existe. Et je ne sais pas s’il y croient ou non, les deux qui l’attendent. » (Samuel Beckett, Lettre à Michel Polac, janvier 1952), Godot serait alors un concept pour lequel nous sommes libres de croire ou non.

La réalisation même de la pièce fait objet d'une dénonciation. On parle ici de bourgeois qui s'assoiraient confortablement dans leur beau fauteuil rouge pour vous jouer la vie de ceux qui incarnent la honte de la société des années 50 : deux clochards homosexuels suicidaires et leurs amis dans une relation de codépendance presque masochiste. On parle ici de bourgeois payant une entrée au théâtre que des pauvres ne pourront jamais se payer pour voir jouer la vie... des pauvres. Ce malaise est capital pour comprendre le sens même de la pièce et la critique sociale qu'elle dénonce.

maachaon
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le 13 nov. 2023

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maachaon

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