Tiffany Tavernier saisit le thème de l’emprise et du harcèlement conjugal dans son dernier roman En vérité Alice. Et, à son habitude, l’autrice le traite de façon très personnelle, mais parfaitement réussi.
Alice, jeune femme dévouée, vit l’amour parfait. L’homme qu’elle aime la comble et la rend parfaitement heureuse. Seulement, Tiffany Tavernier fait l’effort de décrire, point par point, le harcèlement qu’Alice subit.
La solitude de la jeune femme est décrite avec la mise en place de l’emprise. Évidemment, le dénigrement de son conjoint est à l’œuvre. Seulement, Alice garde toujours le désir insatiable de le satisfaire. Néanmoins, il lui renvoie toujours, et sans cesse, sa déception. Car lui, il réclame le statut de victime, par rapport à son passé de maltraité et son présent déprécié. Alors, par amour du sacrifice, comme le démontre son nouveau travail, Alice va devenir sa sainte ! Seulement, y réussira-t-elle ?
Car, Alice vient de trouver un emploi, devant l’insistance de son conjoint. C’est le diocèse de Paris qui lui offre son CDI. Sa mission est d’organiser la section « canonisation » et répondre aux nombreuses sollicitations. Un langage nouveau à acquérir, des collègues baignées par leur bienveillance à découvrir, la vie des saints en modèle, Alice s’immerge dans un milieu social inconnu.
À la croyance d’Alice, Tiffany Tavernier oppose la croyance en Dieu. Est-ce ces nouvelles connaissances, est-ce la proximité de divers saints, qui vont permettre la prise de conscience ?
Aucune raison de le révéler.
Une vision particulière
La nouveauté du point de vue raconté dans En vérité Alice se situe dans ce présupposé que la victime, véritable, se croit comblée. Sa « foi » en cet homme est immense. Mise sur un piédestal, elle dénie complètement l’influence déplorable de son conjoint, l’excuse et même refuse tous éléments qui pourraient la faire douter.
Ce parallèle est intéressant. Tiffany Tavernier démontre la puissance d’une croyance qu’elle soit pour un homme ou pour un Dieu. Son personnage féminin, au centre de cette fiction, montre son aveuglement et le déni inconscient qu’elle utilise. Même la foi des prêtres autour d’Alice n’est pas aussi absolue !
L’amour n’est pas aveuglement même s’il est lumière. L’amour n’est pas don de soi-même s’il demande de s’oublier. La passion quelquefois transcende à l’image de l’histoire du Christ. Mais doit-on aller jusqu’à souffrir et mourir pour aimer pleinement ? Ce sont toutes ces questions que Tiffany Tavernier soulève avec En vérité Alice.
Le talent de Tiffany Tavernier est encore présent avec En vérité Alice pour éclairer de son écriture un portrait de femme, abîmée par la vie, qui s’en remet aveuglément à un homme. Celui-ci abuse de sa confiance, se prenant pour un gourou, un Dieu. L’écrivaine montre que tout est dans l’intention qui provoque la dépendance, l’anéantissement du libre arbitre et la solitude de la personne.
Un vrai régal !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/07/08/t-tavernier-en-verite-alice/