L’autrice enseigne – ou a enseigné – dans une école de cinéma, et ça se voit : dans sa forme, dans la façon d’écrire, dans le souci permanent de décomposition, Enfances de cinéma s’apparente moins à l’essai qu’au cours. Ça n’est pas un défaut, je le signale juste aux lecteurs qui s’attendraient à ce que l’ouvrage soutienne une thèse et ne la lâche pas ; il s’agit moins d’une thèse que d’une idée directrice : «  la façon dont un cinéaste traite un personnage d’enfant est un véritable révélateur de ses qualités de réalisateur » (p. 11).

Précisons encore qu’on parlera de documentaire et de fiction, d’animation et de prise de vue réelle, de cinéma et de séries, de court et de long métrages, des frères Lumière à la décennie 2000. Et que les enfances du titre se limitent ici aux enfances filmées : celles des personnages, non celles des spectateurs ou des anciens enfants que sont les réalisateurs.

Le cours s’organise comme suit : une introduction met en perspective les enjeux du sujet, un premier chapitre propose une typologie des enfants selon l’âge et le genre, un deuxième porte sur l’idée d’émerveillement, un chapitre 3 questionne la notion d’innocence, un dernier chapitre envisage les différentes dénégations auxquelles les personnages enfantins du cinéma donnent lieu, et une conclusion conclut. Voilà de quoi s’y retrouver facilement, d’autant que deux index permettent de retrouver sans peine un film ou un réalisateur.

Un outil – ou un contre-outil ? – d’analyse est utilisé tout au long de l’ouvrage, celui de ripolinage : cette métaphore « sera privilégiée pour parler des processus qui figent les personnages d’enfants dans des bien-entendus faciles » (p. 10). N’importe quel spectateur critique verra de quoi il s’agit – mettons les gosses de Jurassic Park – mais on a aussi le droit de trouver le concept inadéquat, notamment parce que la notion de facilité en art me paraît poser encore plus de problèmes que celle de cliché, à laquelle Carole Desbarats semble la ramener. Il me semble que l’idée de dénégation (sorte de savoir sans savoir) mobilisée dans le dernier chapitre constitué un outil plus pertinent.

Quant aux goûts manifestés par l’autrice, ils correspondent tout à fait aux goûts d’une enseignante en cinéma tels que je me les imagine : haro sur Shirley Temple et Joselito, vive le Tombeau des lucioles et la Nuit du chasseur ! L’autrice précise par ailleurs qu’elle ne tirera pas sur les ambulances. Et pendant qu’il est question de goûts, le lecteur regrettera, comme à chaque fois dans ce genre d’ouvrages, que n’y soient pas traités tel ou tel de ses films préférés, ou simplement des films qui lui auraient paru adaptés au sujet – pour moi, Morse et le Ruban blanc, pour d’autres lecteurs d’autres films.

Alcofribas
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le 26 août 2023

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