L'autobiographie se concentre sur la période anté-Python, ce qui ne l'empêche pas de mentionner quelques anecdotes assez peu humoristiques sur Graham Chapman, avec lequel il co-écrivait (lui écrivait, Graham co-ait) déjà des sketches depuis des années.
En effet, le livre aurait mérité un index des noms cités car il mentionne tout un pan de l'humour anglais qui n'est pas venu jusqu'à nos côtes, autant de pistes à explorer pour les amateurs et historiens ! Il n'a de mots méchants pour presque personne, hormis des anciens Pythons (hé hé) : Gilliam le bourreau de travail, Jones le caractériel, et Chapman le lunatique. Ce dernier lui a balancé un coup de genou dans les parties, s'est ingénié à briser la baguette offerte à Cleese par un prestigieux chef d'orchestre, et n' en ramait pas une pour écrire des sketchs - se contentant d'émerger de son silence pour balancer un trait de génie de temps en temps, s'il est dans la même pièce et pas en train de bronzer dehors. D'un autre côté, c'est avec lui qu'il a passé les meilleurs moments de sa vie, vautré par terre à s'esclaffer justement lors de l'écriture de certaines blagues.
Pas une remarque piquante sur Michael Palin, qui a vraiment l'air d'être le bon gars qu'il a souvent joué.
Cleese se présente comme un naif bosseur qui a eu la chance de faire les bonnes rencontres, à commencer par le club de théâtre de son université, les Footlights, grâce auquel il a été repéré par la télé anglaise, et avec lequel il a tourné en Amérique, etc...
Il ne raconte pas comment il est passé du stade de grand dadais découvrant sans hâte les choses de l'amour à celui de pluridivorcé, mais il nous donne quelques-unes des étapes qui ont conduit à son premier mariage, avec Connie Booth (la dernière étant un voyage express à New York pour officialiser leur rupture causée par des carrières situées de part et d'autre de l'Atlantique, et qui aboutit en une nuit au dit mariage).
Le livre laisse la porte ouverte à un second tome car il s'achève avec le début des Pythons, auxquels il consacre seulement un demi-chapitre. Mais on peut aussi penser que Cleese n'a pas vu l'intérêt d'y vouer un pan de sa biographie qui a déjà fait l'objet de plusieurs ouvrages et documentaires.
En bon anglais, il ne fait pas preuve d'un excès de complaisance à son propre égard, mais sa réserve nous prive d'anecdotes croustillantes. Ou peut-être est-il moins porté sur les secrets d'alcôve que la pétulante Joan Collins.
Dans ce domaine, il mentionne que les longs séjours de Graham Chapman à Mykonos ne lui ont pas épargné une grande surprise lorsque ce dernier lui a fait savoir ses préférences.
Il a bossé avec lui sur les scénarios de trois films, dont une réécriture sabotée du Magic Christian écrit par Terry Southern, un mec en vogue, mais pas un auteur très structuré.
Grâce à sa mère, J.C. a éprouvé un grand intérêt pour la psychologie, mais sa connaissance du domaine l'empêche de la qualifier d'hystérique, puisque ce vocable est passé de mode. Disons qu'elle était méchamment toquée (il ne se prive pas de fournir des anecdotes à son sujet), et qu'il s'en est sorti grâce à l'affection de son père, même si ça a fait de lui une chochotte pendant les premières années de sa vie (mal vu au pays des invertis amateurs de rugby).
Un livre plutôt conseillé aux aficionados, car J C n'est pas de ceux qui fabriquent leur mythe (trépidant, valorisant et plein de guest stars à la mode), ou qui transforment leur vie en une série de parties de rigolade (si vous en connaissez, je suis preneur - à mon avis, Joan Collins est déjà une piste à suivre, et le dernier spectacle de Carrie Fischer n'était pas mal non plus).
Il rend surtout hommage à tous ceux qui ont joué un rôle bénéfique au long de son parcours, depuis les profs décents (il a eu du pot) jusqu'aux gens du show business décents (idem).
(lu en version française)