Un roman arty
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Biographie de Jean-Michel Basquiat, peintre américain (1960-1988).
C'est terriblement casse-gueule de faire la biographie d'un sujet très exaltant, très intense, d'un enfant terrible. Et Basquiat, on le sait, c'est un Rimbaud croisé avec Hendrix, les fulgurances absolues, la drogue, le rock, le sexe, le pognon, la gloire. La trajectoire météorique, le crash en flammes. Tout y est.
Les stratégies ouvertes sont donc celles des conduites à risques : s'en tenir aussi loin que possible, ou se jeter dedans et espérer qu'on a la carrure. Disons-le de suite : Ducrozet a les épaules.
Dès la première page, on sait ce qui va arriver. Complètement pris par son sujet, comme on est pris de boisson, l'auteur fonce à tombeau ouvert dans son histoire, s'inquiète très peu de l'ordre et du contexte, mais infiniment de la justesse de la phrase, de la tension rythmique. C'est un styliste : il cherche à plier le matériau linguistique aux nécessités de son dire. De son sujet et ses affects hyper denses, sa brutalité, et en même temps ce qu'il a de ténu, d'infime. Il fait sans doute de même avec l'histoire.
C'est qu'Eroica ne se propose définitivement pas d'informer. Sans doute, on y apprend toutes sortes de choses, mais ça n'est pas vraiment ça que cherche Ducrozet. Son Basquiat est une brûlure, et le livre est une traînée d'essence qui prend feu sous les yeux du lecteur. C'est à mes yeux la très grande force du livre, de tenir jusqu'au bout sa ligne rock'n roll et nous emmener aussi vite que possible au point où la ligne, la couleur et les mots entrent en fusion dans le tableau. Les scènes de peinture sont d'une grande justesse, et creusent un passage dans une peinture qui n'est pas facile d'accès.
C'est ça qui m'a vraiment touché dans Eroica. Basquiat, je n'avais jamais compris : pour moi, c'était typiquement un effet de surface au croisement du star system pop et du marché des grand galleristes. Ducrozet me répond : ouais, c'est ça. Exactement ça, à une nuance près, à une brûlure près. Qu'il m'envoie de toutes ses forces en pleine poire. L'effet est immédiat : on rouvre les livres, on regarde à nouveau. Pour moi au moins, la conversion du regard s'est opérée : dans la masse des images, certaines se sont mises à parler, fort...
Si vous vous demandez ce qu'on peut bien trouver à la peinture de Basquiat, si vous aimez les écritures puissantes, si vous aimez Ellroy et le tragique dans la mythologie contemporaine du rock, Cobain ou Winehouse, si vous avez aimé Just Kids de Patti Smith...
Eroica pourrait bien vous mettre une trempe.
Créée
le 1 mars 2016
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