C'est merveilleux de découvrir un classique. Un livre auquel on ne pourrait ôter ni ajouter une phrase sans en compromettre l'équilibre parfait (pardon du cliché, mais c'est vrai). Qui n'est ni trop littéral, ni trop allusif. Tout est juste, ici, et en peu de pages, il y a tout : l'humour, la mélancolie, une réflexion sur l'art (grossièrement résumée, à peu près ceci : si la vie ne ressemble pas à un livre mais plutôt à une rivière, il nous faut bien passer par le détour de la fiction pour tenter de comprendre la vie). Qu'une longue "nouvelle" (le terme s'applique davantage au format qu'au genre) qui commence comme un manuel de pêche à la mouche puisse constituer une méditation aussi aboutie sur l'existence indique assez que l'écriture est ici saturée d'intelligence, qu'elle brille d'humour, de tendresse et de tristesse à la fois, pleine et insaisissable comme les eaux. Un bouquin comme ça nous sauve de tous les bavardages, y compris livresques. Quelque chose de l'instant parfait recherché par le pêcheur, à en croire le narrateur, nous est donné. Et ça vaut bien le coup d'être souvent déçu pour une telle prise. Un jour, je jetterai un œil au film de Robert Redford (qui écrit une jolie préface à cette édition), tout en me disant que ça doit être bien difficile d'adapter un livre qui, en réalité, ne raconte rien.