Se calquer sur la vision de l'auteur sous peine d'être isolé des qualités du livre
Et qu'advienne le Chaos est un roman qui me divise.
Un gros patchwork de personnages singuliers, un concept SF original, un rythme assez soutenu mais également un irrépressible sentiment d'inachevé...
Le concept SF se base sur l'iridologie; une pseudo science médicale qui argue qu'on peut connaître l'état de santé d'un patient à travers l'étude de son iris. Dans Et qu'advienne le Chaos un ingénieur du nom de Mickeal Korta, qui travaille dans la plus grosse société biométrique du monde, arrive à classifier l'humanité selon des calques. Un calque comprend entre 1 et 99 individus et la particularité est que ces individus ont tous la même iris. Si on isole un calque de tous les autres, il est impossible pour les individus du calque isolé de voir les individus des autres calques et inversement. Les individus isolés se retrouvent donc dans un monde vide puisque maximum 99 personnes réparties de part le monde sont en mesure de les voir. Par ailleurs, les individus d'un calque isolé se retrouvent certes isolés du reste du monde mais ils sont également pris dans une sorte de dimension parallèle puisque toutes leurs actions n'auront aucune répercussion dans le monde "réel" où évoluent le reste de l'humanité qui n'a pas la même iris qu'eux.
Original n'est-ce pas ? Honnêtement cela m'a plu jusqu'au moment où on réalise qu'il n'est fait NULLE PART mention du process pour isoler un calque. Korta veut plonger l'humanité dans le néant en isolant tous les calques du monde mais, au cours de ces tentatives d'isolation, il n'est expliqué à aucun moment comment le processus fonctionne. Personnellement ça m'a beaucoup frustré. C'est bien joli de pondre un concept SF original mais en l'état on a l'impression que l'auteur, vidé de ses forces après avoir accouché de cette idée, le balance à l'arraché aux lecteurs comme si de rien n'était et hop; qu'ils se démerdent avec...
Le livre fait intervenir une bonne dizaine de protagonistes qui sont tous très différents mais qui malheureusement ne sont pas traités sur le même pied d'égalité. On suit donc, entre autres, le psychanalyste atteint de TOC, José le magicien ou encore Maria la cobaye mais on ne fait qu'effleurer leurs aspirations et leurs sentiments. Par contre on s'attarde bien sur Vincent qui n'est qu'un vulgaire cliché de héros. C'est assez décevant je trouve. Surtout que toutes les pages, voire toutes les 2 pages, on change de protagoniste et pour ma part j'en suis venu à être déçu de retrouver Vincent aussi souvent puisqu'il ne bouleverse à aucun moment les codes du "héros".
Le rythme est assez soutenu. On passe d'un personnage à l'autre sans s'encombrer de fioritures ou de descriptions pompeuses. On passe de Korta qui est à Phoenix (US), à April qui se trouve à Londres (UK) en passant par José qui erre à Tijuana (MEX) en un clin d'oeil et en se focalisant sur leurs actions. On devrait donc être dépaysé mais en fait non. L'auteur a fait le choix de choisir des personnages éloignés géographiquement uniquement pour montrer que l'isolation d'un calque peut toucher tout monde, n'importe où. Et comment ? Ah ça c'est une bonne question qui n'a pas de réponse mais je l'ai déjà dit.
Bref, pas mal de points négatifs me direz vous. Alors pourquoi lui attribuer un 6/10 et pas plutôt un 3 ou un 4 ? Parce que Et qu'advienne le Chaos se lit vite et qu'il occupe parfaitement son rôle de "livre de gare". Il m'a accompagné dans une journée de transports en communs et au final j'avais quand même envie de voir comment ça allait finir....et si on allait enfin m'expliquer COMMENT ON ISOLE UN CALQUE !!! (oui, je n'en démords pas, ne pas savoir ça m'énerve !). Au final ce livre ne révolutionne pas le genre, laisse un arrière gout d'inachevé mais a le mérite de ne pas lasser puisqu'il se finit en quelques petites heures, sans prise de tête et distille quand même quelques concepts et idées sympathiques.