En 1974, dans un New-York pas encore terrorisé par le 11 septembre, mais bel et bien enserré dans le conflit vietnamien, un homme réalise une grande œuvre éphémère, un moment d'immense poésie, en marchant entre les deux gratte-ciel du World Trade Center. Alors qu'il agit sans autre ambition que celle d'un défi personnel, ce bref évènement va éclairer l'existence de grand nombre de spectateurs.
C'est ainsi que nous rencontrons Corrigan, jeune Irlandais entré les ordres et défendant les plus pauvres au coeur du Bronx ; son frère Ciaran, qui tente de se trouver en partant aussi à New-York ; Solomon, juge idéaliste qui a dû céder malgré lui aux arrangements bureaucratiques ; Lara, artiste expérimentale pas si convaincue que ça par son retour à la nature ; ou encore Gloria, descendante d'esclaves et qui se bat pour son intégrité. Colum McCann réussit brillamment l'exercice du roman choral, en entremêlant très finement les chemins de tous les protagonistes, en faisant rejoindre des destins bien éloignés, tous plus ou moins entraînés par le tourbillon dont l'œil est le funambule en haut du fil. Les blessures intimes recoupent celles dont le pays n'arrivent pas à se défaire, Vietnam, Irak, la ségrégation, le racisme, l'insécurité ; mais le propos colle finalement au plus près de l'humain, cherchant à démontrer comment il est possible d'avancer encore, à contre-courant, mais avancer, vers les autres, et ne pas lâcher la vie, qui nous emporte toujours dans sa course folle.