Le livre de Xavier de Lesquen est le complément idéal aux articles de l’économiste Frédéric Sautet concernant les réformes radicales qui ont été opérées par le gouvernement néo-zélandais dans les années 1980. Ces réformes, dues au gouvernement travailliste, se situaient sur plusieurs plans : dérégulation du marché de travail, allègement de la fiscalité, indépendance du "pouvoir monétaire", assouplissement des règles commerciales.
Ces réformes furent conduites simultanément et rapidement; l’amplitude et la rapidité de la mise en œuvre de ce type de réformes étant un prérequis pour optimiser ses chances de réussite comme l’affirme le ministre de l’Economie de l’époque Roger Douglas (ce qui n’est pas le cas de la France où les réformes sont faites au coup par coup et de manière sectorielle).
L’auteur nous dépeint une société où les proviseurs sont des dirigeants d’entreprises, où les hommes qui élaborent la politique publique ne sont pas ceux qui la font appliquer (libéralisme classique donc, pas "ultra-libéralisme"), où les concours administratifs sont inexistants et où les fonctionnaires sont salariés par l’Etat sans jouir d’un régime particuler (ou "exorbitant" dans la langue du droit). Au grand étonnement de l’énarque, la qualité des services semble aller de pair avec la qualité de vie. Les coûts de transactions sont réduits au minimum, que ce soit dans la recherche d’une femme de ménage, d’un comptable ou lors de l'acquisition d'une voiture de location; la mobilité des actifs est très importante sans que la peur du chômage ne soit vécue comme paralysante; les ministères délèguent leurs activités à des sociétés privées.
L'emploi public est sauvegardé, étant donné qu'il représente 12,6% des emplois, mais le statut du fonctionnaire a disparu (loi du State Sector Act de 1988)
Pour les souverainistes comme Pierre-Yves Rougeyron, l’Etat central administratif est plus qu’un outil ou qu’un mode de gestion, il fait partie de l’identité de la France. Décentraliser la France, ce serait la dénaturer, céder du pouvoir au potentat locaux, ainsi que léser le peuple en tant que l’Etat central est le miroir dans lequel se reflète le peuple, de la même façon que le peuple se reflète dans le monarque chez Hobbes.
Notez qu'il faut bien distinguer sur le plan logique et sémantique, entre un Etat régalien fort et un Etat suradministré, caractérisé par la faiblesse de son autorité. La plupart des libéraux font l'amalgame entre les deux, ce qui est la même erreur que les étatistes de droite. Chez Hobbes, on a plutôt un modèle de type libéral autoritaire, libéral parceque reposant sur la rationalité calcultarice des individus, sur l'efficacité des échanges, mais avec des tendances sécuritaires à l'absolutisme, avec un Leviathan répressif qui gouverne par la peur du châtiment, qui pourrait correspondre assez bien au modèle de Orban. Ce modèle de personnalisation politique chez Hobbes se traduit par la création d'un automate artificiel et éternel, une espèce de super robot punitif et pacificateur si vous voulez, qui en inspirant la crainte aux sujets, permet à une société politique de conserver son identité et de durer dans le temps.
Je crois que c'est très éloigné de la tendance souverainiste de gauche dans laquelle on trouve les Rougeyron et Philippot, avec un Etat social et planiste. Toutefois, Jean-Souverainiste affirmera donc que l’administration a besoin d’un homme fort à sa tête, d’intendants vertueux, et que le problème de la France n’est pas du à sa suradministration, mais à l’absence d’un vrai chef. Ainsi, une des questions que posait en creux le livre de Lesquen à l’époque de la publication était la suivante : la France perdrait-elle son identité, trahirait-elle sa vocation historique à suivre le chemin de la Nouvelle-Zélande ?
Le lecteur d’aujourd’hui, quant à lui, mesure tout le temps perdu à ne pas faire ses réformes et en ressort convaincu par l’argumentation, mêlant l’ironie et l’érudition, de l’auteur. Je pense que le livre gagnerait à être réédité et agrémenté d’une nouvelle préface.