L'écoféminisme est devenu, le temps de la primaire écolo, un mot tendance, notamment grâce à la candidature de Sandrine Rousseau qui se revendique de ce courant.
Mais qu'est-ce exactement que ce courant ? Une hybridation entre écologie et féminisme ? Un courant théorique qui prend le meillleur de l'un, le meilleur de l'autre, le mélange et paf ! - ça fait une écocritique ? Une vision du monde et une pratique visant à penser les dominations tout en s'en libérant ?
C'est à ces questionnements classiques qu'entreprend, dès le début, l'autrice de ce livre. Seulement, l'objet de l'analyse semble échapper à toutes prises intellectuelles classiques. En effet, on devrait parler des écoféminismes, de la même façon que La vie mode d'emploi est des romans.
Mais n'y aurait-il pas au moins quelques choses sur lequel s'accordent les femmes se revendiquant de ce mouvement ? Nous entendons souvent : les dominations patriarcales et de l'homme sur la nature sont de même nature pour ainsi dire. Elles participent du même élan, qui vise à écraser sous le joug de sa surpuissance technique, de la rationnalité scientifique, nature et femmes réduits à la portion congrue quoique importantes de la vie terrestre. Mais importante dans le sens utilitariste : des femmes pour faire des gosses, et la nature pour faire des gros avions, des grosses voitures, des gros maïs et des gros steacks.
Seulement, ce constat couvre tout un tas de pratiques très hétérogènes, qui ne sont pas en tant que telles une "théorie", ni même une vision commune du monde. Il s'agit pas tant de penser que l'écoféminisme est une vision holistique du monde, mais bien une manière de se dépétrer du monde froid et clinique dans lequel les femmes vivent. En de le faire avec son lot de que certain.e.s qualifieraient de compromissions, ou à tout le moins de contradictions, mais également de diversité, d'altérité.
Il y a des écoféministes matérialistes, des écoféministes sorcières magiques, des écoféministes tiers-mondistes, des écoféministes en Inde, aux Etats-Unis, (un peu) en Europe, partout (?). Il y a des écoféministes qui ne se revendiquent pas comme telles mais que d'autres reconnaissent comme telles, il y a des écoféministes solitaires et d'autres communautaires. En bref, c'est le bordel, et ça remet en cause l'approche que Jeanne Burgart Gourtal avait adopté à propos de ce mot au départ du livre.
Echec qu'elle chronique tout en révélant, peu à peu, les raisons de cet échec. Car à bien y regarder, si on devait trouver quelque chose de commun, ce n'est pas tant une théorie que beaucoup de femmes écoféministes réprouve (le fait de théoriser), mais des pratiques qui visent à reprendre corps au monde. Ca veut dire quoi ? Ca peut vouloir dire plein de choses, car les raisons de la prise au corps au monde sont aussi différentes qu'il existe de cultures, d'affects, d'éthos. C'est une façon de reprendre la parole, et d'agir également. C'est une façon de penser la libération de la domination, tout en conservant à l'idée qu'être femme et se libérer en Inde, n'est pas forcément la même chose qu'être femme et se libérer en Occident.
Au fil de cette pérégrination en terres écoféministes, Jeanne Burgart Gourtal nous fait découvrir avec elle la diversité de ce mouvement (et laisse une large parole aux critiques, notamment de féministes), et également la difficulté à penser le monde selon des concepts qui seraient supposés systèmatiquement prendre tout en compte, quelque part phagocyter naturellement de par sa simple existance en tant que théorie. Face à cela, reste l'émerveillement, "rêver l'obscur", et la lutte !