[Avis tiré de ma fiche de lecture du livre, d'où le manque de transitions, le caractère descriptif avant tout, etc.]
Il s’agit d’une analyse marxiste de l’existentialisme, mais le sujet est élargi à toute la philosophie post-1848, à peu près. Lukacs a eu une période existentialiste dans sa jeunesse, donc c’est très intéressant car il sait de quoi il parle, il a lu les existentialistes.
Selon l'auteur, il y a deux voies dans la philosophie et celles-ci ont leurs bases posées au début du XIXe siècle : de Hegel à Marx ; de Schelling à Kierkegaard.
→ A partir de 1848 : C'est une période de relative sécurité économique et politique en Allemagne, ce qui se traduit en matière de philo par un « agnosticisme oscillant entre matérialisme pudibond et solipsisme » (F. Engels). Auparavant, la philo bourgeoise était progressiste car elle luttait en commun avec le prolétariat contre la féodalité. A partir de ce moment (1848), elle devient conservatrice car le prolétariat devient son seul ennemi puisque la féodalité s’est effondrée pour de bon. La philo bourgeoise adopte alors l’idéologie scientiste qui pose avant tout des limites dogmatiques en fonction de ce que les sciences spécialisées peuvent découvrir. C’est une forme d’agnosticisme (ou positivisme/néo-kantisme) qui refuse la possibilité de connaître la chose en soi. Il n’y a plus rien à dire sur la société au-delà de la simple constatation de ce qui est. C'est une épistémologie intrinsèquement conservatrice.
→ Stade impérialiste (environ 1870 jusqu’à 1918 ?) : C’est une sorte de « troisième voie » qui se développe. Elle est idéaliste tout en se déclarant dépasser le clivage matérialisme / idéalisme. Cela va de Nietzsche à l’existentialisme. Cette troisième voie fait le constat de la vie aliénée sous le capitalisme, mais sans vouloir aboutir à une conception socialiste puisque cette philo est le fruit de la bourgeoisie (d’ailleurs, les philosophes de l’époque commencent à être de plus en plus éloignés du prolétariat et du travail, et cela se ressent dans leurs idées). De plus, cette philosophie irrationnelle s’arrête aux contradictions apparentes du réel (le stade du phénomène) - contradictions que la dialectique est censée résoudre - afin d'en conclure que la réalité est irrationnelle puisqu’elle est contradictoire.
→ Entre-deux-guerres : L'idéalisme objectif tend vers la création de mythes réactionnaires (Spengler…) ; tandis que l’idéalisme subjectif tend vers le pessimisme (Heidegger). C’est la période du développement des bases de l’existentialisme qui se repli sur la conscience individuelle car l’Europe est alors en proie à tout un tas de crises.
Enfin, Lukacs aborde trois sujets qui sont passionnants :
→ Sur Sartre, il critique sa conception de la liberté qui est sans limite et explique le consensus qu’elle a produit par la nécessité pendant et après la deuxième Guerre Mondiale par la une volonté d’être particulièrement optimiste (espoir de la sortie de la guerre / espoir du renouveau).
→ Sur le nihilisme, il dit que le nihiliste se rend compte du caractère transitoire des assises de l’existence sociale et individuelle (le caractère relatif de la vérité qui est historiquement déterminée, etc.), mais qu’il est dépourvu de perspectives concrètes dans la réalité. Nietzsche le représente parfaitement.
→ Sur la catégorie de l’intuition, il dit qu’elle a été mise en avant pendant et après la crise de l’impérialisme, qu’elle est au mieux un rationalisme tronqué. L’intuition est pensée comme une synthèse spontanée de la raison alors que ce n’est qu’une étape dans la dialectique.