Alice au pays des horreurs...
Je retiendrai surtout de cette rencontre avec iain McEwan l'extraordinaire fluidité de sa prose. Ecrit dans une langue magnifique, Expiation aussi est une merveille de narration contrôlée et de profondeur psychologique et bien des longueurs de ce roman sont contre-balancées aisément par le plaisir de la lecture.
Expiation nous conte donc le récit d'une faute, un de ces crimes ordinaires et presque impardonnable qui hante une vie. La première partie du livre , située dans le cadre idyllique et champêtre d'une riche famille anglaise des années 30 où une petite fille rêve de gloire littéraire, est en réalité une sourde montée vers l'horreur, ascension dramatique que l'on suit pas à pas au travers du regard éclaté des ses protagonistes. C'est effrayant et superbement maîtrisé.
Je ne sais comment fait McEwan pour se mettre à ce point dans la tête d'une petite fille, dans la peau de jeunes gamins traumatisés par un divorce ou dans les réflexions d'une mère de famille bourgeoise, mais son approche est impeccable et l'empathie qu'il en tire ne rend que plus poignant le drame qui se déroule. Les touches psychologiques qu'il nous sert sur chacun des personnages rejoignent pertinemment les allusions discrètes mais inquiétantes au puzzle sordide qui se joue au soleil de cet été 1935. Le livre est une belle réflexion sur le témoignage, le peu de compréhension que nous avons des autres et la force des préjugés, et le voyage un peu épuisant dans les têtes de chacun des personnages est ébouriffante. On se prend à serrer les dents devant la lenteur inexorable du cataclysme. Cette première moitié du livre est décidément enthousiasmante, même si le début est un poil ardu à suivre.
L'oeuvre se divise en quatre chapitre dont la longueur diminue , les trois dernières parties ne constituant q'une moitié du livre. Après un démarrage époustouflant, la seconde moitié du livre m'a un peu moins convenu (mais je lisais avec plaisir, no mistake) car elle s'attache en effet au titre du livre s'alourdissant donc de la gravité du remords et là, McEwan connait un léger essoufflement de son sujet. Le fait d'avoir voulu rehausser le contexte par un détour sur la débâcle de Dunkerque de 1940 n'ajoute peut-être pas l'effet dramatique escompté, ou bien m' a personnellement un peu déboussolé, je crois. Mais ce la nous permet de sortir de l'ambiance un peu claustro-phobique du manoir anglais et nous plonge de façon convaincante dans le drame de la guerre, avec cette valeur ajoutée de voir la chute de Dunkerque depuis le côté anglais. Certains d'entre vous liront d'ailleurs ce livre avec Downtown Abbey (la série) en tête , car on retrouve la thématique de la guerre que cette brillante série nous proposait pour celle de 14-18.
Le livre s’achèvera sur une assez étonnante conclusion, via un épilogue que l'on n'attend guère, et semble mettre en abyme tout le récit dans une perspective littéraire. Je vous laisse juge du procédé, mais je trouve que l'auteur n'a pas pu s’empêcher de vouloir "apparaître" dans son roman comme un deux ex machina en nous livrant ses propres réflexions sur son oeuvre. Il clôt l'ouvrage de belle manière, mais laisse un arrière goût d'artificialité qui contraste avec l'immersion totalement convaincante de l'essentiel du livre.
Très belle lecture en tous cas, que je ne peux que vous recommender car elle vous fait passer un sacré moment!