Extraits des archives du district par Nanash
J'ai lu quelque part que les "Extraits des archives du district" sont le pendant littéraire du Brazil de Terry Gilliam, c'est exactement cela. Dans le film du Monty Python une société azimutée s'emploie à broyer ses membres avec une grosse dose d'absurdité étatique. Et c'est clairement le sentiment que l'on a à la lecture du roman de Kenneth Bernard.
John, le héros du livre, va petit à petit comprendre les principes destructeurs d'individus qui régissent la société dans laquelle il vit. Cette prise de conscience se fait principalement après qu'il ait passé le cap de la cinquantaine. En relatant les situations de son quotidien, il va petit à petit comprendre que son individualité est ce qui fait peur à cette société bureaucratique. Les règles toutes aussi absurdes les unes que les autres qu'il a suivi tout au long de sa vie se modifie avec l'âge et sa place dans cette société se détériore depuis qu'il a basculé dans la catégorie des non-productifs, des vieux. Son identité est reniée, on oblige les personnes âgées à se donner des surnoms plutôt qu'à utiliser leurs vrais noms dans les "clubs" auxquels ils doivent appartenir, les "clubs d'enterrement", oui carrément. La violence aussi bien physique que psychologique qui l'épargnait depuis toujours devient omniprésente que se soit dans les lieux publics, bureau de poste, supermarché, banque mais aussi dans son propre immeuble, dans son propre appartement.
Environ les deux tiers du roman sont justement consacrés à toutes ces scènes qui permettent de mieux comprendre, si cela est possible, le monde dans lequel évolue John, il tarde au lecteur qu'enfin il se rebelle, qu'il commence à envisager de ne pas se laisser broyer par la machine. Mais bien que l'on sent que le héros aspire à mieux, ou en tout cas à autre chose, il reste un personnage très difficile à cerner, [spoil léger] il relate avec une dérangeante désinvolture de sa famille, de son fils en décrivant les ballades avec un "ami" avec un "petit garçon", cette distanciation fait froid dans le dos à la lecture. Est-ce ainsi que les liens familiaux se doivent d'être relatés dans ce monde ? Cela fait que pendant la majeure partie du livre on se demande si l'on doit réellement croire aux interrogations du héros, est-il réellement seul contre tous ou sombre-t-il dans la paranoïa ?
Kenneth Bernard nous livre un roman à l'ambiance oppressante très réussie, où l'attachant personnage principal se trouve confronté à l'absurdité de son univers. Malgré un rythme en demi-teinte, un bouquin à lire: 8/10