Fables
7.6
Fables

livre de Jean Anouilh (1962)

Jean Anouilh est brillant ; ses fables sont un délice.

Il résume très bien cette oeuvre dans son "avertissement hypocrite" :

« Ces Fables ne sont que le plaisir d’un été. Je voudrais qu’on les lise aussi vite et aussi facilement que je les ai faites et, si on y prend un peu de plaisir – ajouté au mien – il justifiera amplement cette entreprise futile. Il y a tant de gens dont c’est le gagne-pain de penser, de nos jours, que ce petit livre refermé et oublié, les occasions d’être profond ne vous manqueront certainement pas. »

Anouilh nous parle de tout : d'amour, de politique, de riches, de pauvres, de goût, ...

Il badine avec les mots.
Il s'amuse avec le lecteur.

Son écriture est fluide et légère, les fables se lisent comme l'on boirait du petit lait, l'humour y est omniprésent l'esprit également, aucune lourdeur.
On ressent le plaisir qu'il a mis à les écrire, les lisant.

Je pense que tout le monde peut se retrouver dans ces fables, tantôt claires, tantôt plus profondes et mystérieuses, mais toujours gracieuses et amusées, même jaune.

Je ne peux résister à mon envie de vous faire partager l'une de mes préférées :

La crevette

«Mince, alors ! dit la crevette
Elevée dans les faubourgs,
Ce que ça peut être bête,
De'toujours parler d'amour.

Moi qui connais les vieux crabes
Dont le coin est infesté,
Moi qui ai fait les Arabes
De la rue de la Gaîté.

Pensez si ça m'impressionne
Moi, tous ces miaou miaou...
Je ne dois rien à personne
Je travaille sans marlou.

L'amour qui passe à la caisse,
L'amour la main sur le cœur,
C'est toujours la main aux fesses.
Les hommes sont des noceurs.

Le sentiment c'est tout frime :
Ça n'a jamais existé ;
Et ceux qui vont jusqu'au crime,
C'est parce qu'ils étaient vexés. »

Elle dit et sur la plage
Un adolescent joufflu,
Qui péchait dans les parages,
On ne sait pourquoi lui plut

Il n'avait pas de tendresse,
Comptait la manger tout cru,
Elle qui avait fait pièce
A tous les pêcheurs du cru,

Malgré sa triste dégaine;
Subjuguée par ses mollets,
Paralysée, incertaine
Elle choit dans son filet.
Il la cuit, il la dépiaute...

L'amour est un accident.
Les crevettes sont idiotes.
Les femmes ont du bon sens.

Je vous l'avais dit : que du plaisir !
ThibaudDeltrieu
10
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le 21 mars 2014

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