Les fictions d’apocalypse traversent tous les arts : de la littérature au cinéma en passant par les séries, elles font le portrait d’un monde de l’après, un monde qui aurait survécu, bien mal en point, à un événement catastrophique. Jean-Paul Engélibert, professeur de littérature comparée à l’Université Bordeaux-Montaigne, parie sur le pouvoir critique de ces romans dans Fabuler la fin du monde. La puissance critique des fictions d’apocalypse.
Les prémisses de la fiction d’apocalypse sont anciennes: Le Dernier homme, de Jean-Baptiste Cousin de Grainville, publié en 1805, est le premier jalon analysé par l’auteur. Ces fictions se multiplient ensuite, investissant principalement le genre de la science-fiction, mais aussi de l’horreur. Toutes ont pour but de nous faire voir le pire, de nous faire comprendre que la catastrophe n’est pas loin. A travers le dérèglement climatique et l’avènement d’un capitalisme outrancier, le cours de l’histoire est profondément changé : l’espèce humaine et maintenant mortelle.
Ce qui est pourtant beau, dans cette critique littéraire, c’est de montrer que toutes ces réflexions fictionnelles ne sont pas pessimistes, même si elles restent des œuvres de fiction et non des essais sur la marche à suivre pour nous sauver. En analysant la littérature (La Route de Cormac McCarthy, Malevil de Robert Merle), le cinéma (Melancholia de Lars von Trier, 4:44 d’Abel Ferrara) et les séries (The Leftovers), Jean-Paul Engélibert montre qu’il a toujours un sursaut, une profonde réflexion sur l’au-delà qui peuvent conjurer le pire. C’est par exemple la cabane finale de Melancholia qui, si elle ne fait pas office de bouclier face à la planète qui s’apprête à percuter la Terre, offre tout de même un refuge bienveillant. Profondément politiques, ces fictions d’apocalypse sont analysées dans les détails par Jean-Paul Engélibert qui propose une nouvelle façon d’appréhender la fin du monde.
"La littérature ne propose pas de thèses, elle ne donne pas de leçons, ni ne propose à proprement parler de savoirs. Mais elle procure une expérience de l’altérité qui nous est nécessaire pour revenir à notre vie mieux armés pour affronter le monde. L’apocalypse, en particulier, nous aide à déconstruire notre présent et à imaginer d’autres mondes possibles. La table rase est le seuil de l’utopie."