En littérature, je suis plutôt adepte du style travaillé : la simplicité pend trop souvent à mes yeux la forme d'une paresse. Si une Marie-Hélène Lafon aujourd'hui parvient souvent à me séduire, si un Camus ou un Kundera imposent leur musique nonobstant une langue très dépouillée, ceux-là restent des exceptions, "simple" restant la plupart du temps synonyme de "banal". Dans ce registre, Vincent Almendros, que je découvre avec ce roman, se montre convaincant. Ses répliques très courtes, associées à un "dis-je", par exemple, ont fini par accrocher mon oreille. Bien aimé aussi ses "exagérè-je" récurrents.
Faire mouche prend le pari de miser sur le presque rien, d'installer une ambiance à partir de micro sensations, de réactions un peu étranges des protagonistes. Laurent retourne dans son village, où sa mère vit encore. Une mère très peu chaleureuse, qui traîne une casserole : on la soupçonne d'avoir empoisonné son mari pour se mettre en ménage avec le frère de celui-ci, Roland. Roland, Laurent, l'assonance n'est pas innocente. De son côté, Laurent fait passer son amie Claire pour sa compagne Constance, disparue à la suite d'une dispute. Enfin, il est revenu pour assister au mariage de sa cousine, avec laquelle il était très proche, et qui nourrit vis-à-vis de sa mère une rancune tenace. Ambiance...
Tout cela est bien mystérieux, et Vincent Almendros entretient savamment l'énigme. Il sème çà et là quelques cailloux, pour ne finalement révéler que très peu de choses. Mais la mort est partout : dans ces mouches découvertes sur le plancher ou collées à un ruban-piège, dans cette odeur de putréfaction, dans cette urne de la tante qui a disparu, dans ce lapin qu'on dépèce, dans cette balade en forêt enfin, à la recherche de champignons, où un trou dans lequel on tombe, les feuilles beiges qui jonchent le sol, rappellent l'omniprésence de la mort. Un vieux vin de noix prend des allures de poison, une baignade dans un lac froid fait craindre une noyade, trois coups frappés à la porte nous font imaginer un spectre surgissant du brouillard. Avec très peu de mots, Almendros suggère, laissant l'imagination du lecteur faire le reste. Brillant.
Un petit coup de gueule tout de même pour finir : c'est quoi cette manie, notamment chez les auteurs estampillés Editions de Minuit, de na pas mettre des tirets pour les dialogues ? Je vois ça partout... ça apporte quoi au juste ? A part "faire genre", "moderne" ? Il y a là quelque chose de très artificiel...
Ah, et puis autre chose, il y a une coquille page 14, non ?
On est arrivé, dis-je.
Il faut un "s" à arrivés, ça me semble difficilement contestable. Ici, "on" a clairement le sens de "nous". On pourrait écrire "on est arrivé lorsqu'on ressent l'air familier de sa maison" par exemple, "on" ayant alors le sens d'une généralité. Pas le cas ici. Etonnant pour une maison aussi sérieuse que les Editions de Minuit...