Le flux mental exceptionnellement cool d'un clochard céleste.

Livre culte aux États-Unis depuis sa sortie en 1974, Fan Man a été traduit en français seulement en 2008, grâce au flair des éditions Cambourakis.


Kurt Vonnegut Jr. dit fort justement en préface que ce texte peut, pour les déchiffreurs les plus vifs et les moins inhibés, laisser "entendre un flux mental comme on n'en avait encore jamais entendu avant sa publication", flux parfaitement rendu en français grâce au talent de son traducteur Nicolas Richard.


Horse Badorties vit dans une turne qu'il occupe clandestinement, au milieu de monceaux d'objets et d'ordures, et il arpente les rues de New-York avec son ventilateur, sa besace et son immense parapluie pour recruter des jeunes filles mineures pour sa chorale de l'Amour, son grand projet.


Clochard hippie aux allures de "Dude", Horse Badorties est un hyperactif aux idées démesurées, qu'il a du mal à suivre à cause de troubles de l'attention et des drogues bizarres qu'il croise sur son chemin. Alors il se parle, il ne cesse de passer des coups de téléphone sans queue ni tête et il s'enregistre parfois, dans ce monologue de fou génial, pour ne jamais oublier ce qu'il est en train de faire, qui il est et où il va.


Dans le Lower East Side des années 60, William Kotzwinkle nous entraîne avec ce monologue intérieur d'Horse Badorties sur une planète déjantée, dont on adopte la langue presque instantanément. Un pur régal.


«Je suis tout seul dans ma turne, mec, ma turne avec des détritus jusqu’au plafond. Des partitions empilées, des tas de sacs-poubelle bourrés d’ordures et, par terre, des poêles à frire tout encroûtées, incrustées de mouchetures de saloperies putréfiées dans la graisse. Ma turne à moi, mec, ma petite turne à moi de Horse Badorties dans le Lower East Side.
Je viens juste de me réveiller, mec. Horse Badorties vient juste de se réveiller et se traîne dans l’abominable mer de crasse, mec, qu’il appelle son chez-soi. Traversée des pièces de ma turne, mec, entre le verre pilé et les tas de fringues cradingues parmi lesquels je vais choisir ma garde-robe du jour. Tiens, fourré dans une poubelle, un futal salingue incroyablement froissé. Et là, mec, sous un tas de journaux mouillés, une chemise, mec, avec une manche. Tout ce qu’il me faut, maintenant, mec, c’est une cravate, et justement, voilà un serpent japonais, un jouet en caoutchouc en parfait état, mec, dont je peux facilement faire un noeud à peu près correct, qui ressemble à une boule de spaghetti ratatinés.»


Un objet littéraire bizarre, hilarant et incontournable, que tu es OBLIGÉ de lire, mec.


Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/04/15/note-de-lecture-fan-man-william-kotzwinkle/

MarianneL
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 30 oct. 2012

Critique lue 339 fois

3 j'aime

MarianneL

Écrit par

Critique lue 339 fois

3

D'autres avis sur Fan man

Fan man
Florian_Lecornu
10

Critique de Fan man par Florian_Lecornu

Sans doute l'un des livres les plus drôles qui m'eut été donné de lire. Pas de message caché, subliminal ou autres conneries. Kotzwink prends son pied et nous voilà embarqué dans un trip façon nuage...

le 9 avr. 2013

1 j'aime

Fan man
leleul
9

Critique de Fan man par leleul

Il est des livres qui ne se racontent pas, il est des livres que l’on ne raconte pas. Fan Man appartient sans aucun conteste à cette catégorie dont il est parfaitement vain d’essayer de résumer...

le 3 nov. 2012

1 j'aime

Du même critique

La Culture du narcissisme
MarianneL
8

Critique de La Culture du narcissisme par MarianneL

Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...

le 29 déc. 2013

36 j'aime

4

La Fin de l'homme rouge
MarianneL
9

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

le 7 déc. 2013

35 j'aime

Culture de masse ou culture populaire ?
MarianneL
8

Un essai court et nécessaire d’un observateur particulièrement lucide des évolutions du capitalisme

«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...

le 24 mai 2013

32 j'aime

4