Il faut bien l'admettre, je partais avec un a priori négatif de cet énième best seller pour ados mettant en scène une romance vampirique. La lecture de quelques pages de la traduction française ayant failli me rendre aveugle, je ne m'imaginais même pas le lire un jour. Puis l'on m'a prêté la version originale en pariant qu'arrivée au bout, je serai prise d'une irrésistible envie de lire la suite.
Il faut bien l'admettre là encore, les premiers chapitres furent presque une agréable surprise. Sans toucher au génie, le style clair et maitrisé présentait un personnage principal sympathique, à peu près crédible, loin de l'insupportable adolescente à qui tout réussit que l'on pouvait redouter.
Mais tout ça est balayé dès lors que Bella rencontre son vampire, voire dès lors que Bella entre au lycée où elle devient l'insupportable adolescente à qui tout réussit. Si le roman s'en était tenu à l'intégration de Bella à Forks, à sa relation en non dits (et plutôt bien décrite) avec son père, Twilight eut été un livre bien plus sympathique.
Au lieu de ça il sombre tout bonnement dans le ridicule, puisqu'une fois entrée dans l'univers douteux crée par Meyer (je vous laisse seuls juges : des vampires 'végétariens' qui jouent au base-ball, brillent au soleil - sérieusement - et vont toute leur vie se retaper éternellement le lycée), les réactions de Bella se font toutes aussi idiotes.
Je n'ai rien contre les histoires d'amour, mais ici la "fascination" me demeure incompréhensible, tant Edward est fade, plat, dépourvu de tout caractère autre que son irréelle beauté mentionnée un demi-milliard de fois dans le livre. Il est intéressant de constater que le personnage n'est d'ailleurs décrit que physiquement : ses mains parfaites, son visage d'ange, son corps de dieu grec (ses oreilles à la courbe enchanteresse et gnagnagna... à la cinquième évocation de son "haleine divine" on n'a même plus envie de rigoler...) mais qu'aucun trait de caractère psychologique n'est mentionné.
Dès lors impossible de s'intéresser à ce qui pourrait arriver au couple le plus morne de l'histoire de la littérature, mais pas d'inquiétude puisque il ne leur arrive absolument rien avant le dernier quart, qui condense toute l'action du livre dans une intrigue au dénouement ultra prévisible et donc sans la moindre once de tension. Avant cela, on n'a droit qu'aux états d'âmes contradictoires de Bella-la-girouette, somme toutes fort compréhensibles puisque le playboy aux mains froides est d'une inconstance totale, lui sauvant la vie dans les chapitres pairs et la traitant comme une lépreuse porteuse de la peste et de la grippe H1N1 dans les chapitres impairs.
Conséquence inéluctable : Twilight est un livre terriblement lent, sans aucun rythme, où l'héroine s'avère finalement être une pure Mary-Sue (et le héros le fantasme sexuel ultime de son auteur mormone) et où les personnages secondaires, qui pourraient apporter de l'intérêt, sont tous des faire-valoir (tant les copains de lycée de Bella que la famille aux dents longues d'Edward).
On pourrait passer outre les faiblesses scénaristiques, les personnages transparents, le manque d'histoire, et se dire qu'on a tous eu ados des lectures un peu simplistes. Sauf que derrière le tout se planque une métaphore moralisatrice et peu avenante des relations amoureuses.
Je n'ai pas pu m'empêcher tout au long de ma lecture de faire un parallèle avec le phénomène culturel vampirique qui marqua ma propre adolescence, à savoir la série Buffy de Joss Whedon. Chez Whedon, les vampires n'ont pas d'âme, chez Meyer, ils n'ont pas de personnalité. Chez Whedon, les jeunes adolescentes envoient gentiment promener le garçon / vampire qui les suit "pour leur bien" ("le harcèlement, ce n'est pas sexy") chez Meyer, elles trouvent charmant d'apprendre que le garçon / vampire (qu'elles ne connaissent pas) l'observe dormir dans sa chambre depuis 3 mois. Chez Whedon, enfin, la petite blonde fout des raclées à qui veut l'embêter, chez Meyer la fille se met en danger et attend que le prince vienne la sauver.
Que Twilight connaisse un tel succès en dépit de sa morne platitude, soit. Mais que des milliers d'ados du 21ème siècle soient 'fascinés' et nourris d'une telle vision des rapports hommes / femmes, c'est franchement plus dur à pardonner.