Le narrateur, un auteur quinquagénaire alcoolique et blasé, sort tout juste d'un divorce qu'il digère difficilement. Il se remet d'une crise de goutte en Floride quand il rencontra un homme étrange, celui-ci lui dit que ses romans sont "lisibles", mais que si il veut écrire quelque chose d'intéressant, il devrait par exemple rencontrer quelqu'un comme son gendre. Piqué au vif, notre homme va tenter de retrouver le mystérieux héros, qui va se révéler être un ingénieur spécialisé dans les barrages, qui a parcouru le monde entier. Il a dû retourner dans son Michigan natal (dont est également originaire l'auteur) pour se remettre d'un très grave accident qui lui a fait perdre l'usage de ses jambes. C'est là que les deux hommes vont se retrouver. Le narrateur a lui aussi beaucoup voyagé, mais toujours dans des conditions de luxe, touristiques, contrairement à Robert Corvus Strang qui a connu celles, misérables, des pays du Tiers Monde, et pourtant qui a continué à y retourner à chaque nouveau projet. L'individu est étrange, il vit avec sa "belle-fille", une costa-ricaine avec qui il a des relations plutôt ambigües, cependant il accueille l'écrivain à bras ouverts. Après avoir été frappé par la foudre à l'âge de sept ans, il a développé une forme légère d'épilepsie, son père, pasteur était convaincu d'un signe divin et l'a poussé à prêcher avec lui des années durant. Pendant un voyage en Amérique latine, Strange a absorbé une plante chamanique lors d'une crise, dont les effets sont méconnus en Europe et même par les autochtones, si ce n'est qu'elle peut provoquer la mort et la folie, depuis, son esprit lui échappe et il tient parfois des discours décousus. Au premier abord, tout sépare les deux hommes, mais au fil de leurs conversations un parallèle va se tisser, pour leur découvrir des similarités troublantes.
Le procédé d'écriture de ce roman ressemble beaucoup à celui des Funérailles célestes, si ce n'est qu'on ne c'est pas à quel moment commence la fiction, le personnage principal ressemble à s'y méprendre à Jim Harrison, mais il n'est pas lui si on s'en tient strictement à sa biographie quelques détails diffèrent, comme le divorce du narrateur. A priori Strange a réellement existé, mais dans quelle mesure ses liens avec l'auteur sont-ils réels, il est difficile de le savoir, mais cela n'enlève en rien la qualité de ce roman.
Le "faux soleil" ou "parhélie" est un phénomène optique, lié à celui du halo solaire, consistant en l'apparition de deux répliques de l'image du soleil, placées horizontalement de part et d'autre de celui-ci. Le terme est également utilisé, dans un sens figuré, pour décrire le pâle reflet, le double amoindri, de quelque chose ou de quelqu'un. En anglais "Sundog" peut-être littéralement traduit comme le chien du soleil, et le livre traite beaucoup de cet animal, que l'auteur affectionne particulièrement, et qu'il a pris comme nom indien "Chien Brun", étant très proche de cette culture. Le titre décrit totalement le phénomène qui va avoir lieu dans la rencontre des deux personnages principaux, ils sont la réflexion l'un de l'autre. Ils vont comprendre leurs vies dans le miroir du passé de chacun. Un autre grand thème abordé dans le livre est l'eau, en mouvement surtout, thème baroque s'il en est, symbole de changement, du temps qui passe, les deux hommes sont attirés irrésistiblement par cet élément, même si l'écrivain se contente d'y pêcher le tarpon, quand Strang y construit des barrages sauvant des populations. Celui-ci est fasciné qu'un seul puits d'eau en Afrique puisse erradiquer les maladies et renaître la vie. Strang est le sujet d'études rêvé pour l'auteur, d'autant par son enfance, une relation presque incestueuse avec sa grande sœur Violet, que par sa brillante intelligence, et sa hargne de vivre, chaque jour il rampe sur les genoux pour refaire les muscles atrophiés de ses jambes, alors que lui même n'a pas le courage de manger plus sainement pour sa santé. J'ai retrouvé dans ce roman plusieurs choses qui m'ont fait pensé à un de mes romans préférés : Le Bruit et la Fureur de William Faulkner, l'obsession de l'élément aquatique (dans la deuxième partie dudit roman), la relation de Strang et Violet, la population du Michigan, et je relis donc ce merveilleux ouvrage. Jim Harrison est un auteur que je ne connaissais pas jusqu'ici, et je suis ravie de l'avoir découvert, il a un style incisif, son alter ego ressemble à un Bukowski un peu délavé. Le roman alterne entre des bandes magnétiques qu'il enregistre, souvent saoul, les récits de Strang, et ses récits à lui en tant que narrateur. C'est un livre excellent, et j'ai beaucoup de sympathie pour son auteur, je lirai certainement ses autres œuvres.