Cyber-schizophrénia

Elvire Duvelle-Charles, autrice et militante féministe, développe une réelle discussion en ayant mené des entretiens avec de nombreux.es créateur.ices de contenus comme Leslye Granaud ou Camille Aumont-Carnel.

Elvire partage son expérience avec les femen, son entrée dans les mouvements féministes qui a nourri ses réflexions, renforcé ses convictions. D'autres expériences (le contre clip qu'elles ont fait contre orelsan bonjour : https://www.youtube.com/watch?v=P7jnvgNX-ao) l'ont amené à construire la clit team (clit revolution) et à réaliser une fabuleuse série documentaire avec Sarah Constantin. https://www.france.tv/slash/clit-revolution/

Sans tout vous spoiler, Elvire décline des expériences du cyberharcèlement, décrit le travail de créateur.rice de contenu, explique ce qu'est le shadow ban (une censure claire et sournoise pour la visibilité sur instagram...), de la déviance envers la médecine patriarcale à travers le mouvement self-help dans les années 70 ainsi que de la pureté militante.

Malgré tout, pour les personnes minorisées de la société, le cyber-espace est une révolution de l'agentivité permise par l'accès de toustes à la création de blogs ou de contenus. Les réseaux nous sauvent la vie comme ils peuvent aussi nous la pourrir, il faut donc inventer des stratégies pour s'en prémunir. Depuis 2020, l'association "nous toutes" permet de former GRATUITEMENT via zoom des milliers de personnes sur les violences sexistes et sexuelles (je recommande).

Elle critique le capitalisme des plateformes et du sempiternel duel entre ne pas être rémunérer et travailler gratuitement ou la course aux likes, aux partages et aux partenariats parfois en désaccord avec notre image publique. Elle évoque aussi la révolution de l'usage du numérique à des fins militantes dans un monde cloisonné dans le cyber-espace.

J'ai été un peu déçu.e cependant qu'on assimile des propos discriminants et transphobes à une simple "controverse" bien que je sois d'accord avec l'idée que tout le monde n'est pas en mesure de se déconstruire de la même façon dans un monde perpétuellement violent. Dora Mutot si, je pense.

Extrait à propos des comptes fisha :

Il y a une volonté de sanction, d'humiliation publique. Ça m'a fait penser à une chasse aux sorcières : ils traquent, condamnent publiquement, systématiquement et après ils se félicitent.

Plus personne autour de moi n'a confiance dans le corps médical. Donc forcément, quand on va avoir une question de l'ordre de l'intime, on va avoir tendance à se tourner vers internet, où on est finalement dans notre confort, où il n'y a personne pour nous juger, personne pour nous dire si c'est bien ou mal, si on a tord ou si on a raison. Et donc on peut chercher toutes les informations qu'on veut, de façon illimitée. Ce qui le plus troublant c'est que souvent, les personnes vont témoigner sur leur histoire, leur peur d'aller chez un médecin parce que ça ne s'est pas bien passé pour telle ou telle raison, et elles ne mettent pas le terme "violences médicales" dessus. (...) Elles ne savent pas que ce qu'elles ont vécu n'est pas normal et n'est pas supposé arriver.

C'est d'ailleurs un rapport un peu schizophrénique, le militantisme sur internet. On est sur un réseau social censé divertir les gens, donc entre le poids de nos combats qui sont très lourds, et la nécessité de garder des gens avec nous et de les divertir assez pour qu'ils restent et continuent de s'intéresser à nos questionnements, parfois c'est un peu compliqué à gérer.

Pour aller plus loin :

• It's a man's world (wide web), a critical analysis of online misogyny and hate speech : Beatrice Spallaccia




• Misogyny online, a short (and brutish) history : Emma A. Jane