Dans cette suite d'essais, chacun portant sur une divinité grecque, Devereux éclaire certains mythes grecques avec des outils psychanalytiques et ethnologiques - son discours complémentaire. Il s'intéresse particulièrement à des questions de différence sexuelle (que ce soit les déesses "masculinisées" comme Athéna, des pseudo-grossesses de dieux mâles comme Zeus ou encore des changements de sexe comme Kainis-Kaineus).

On part ici du principe que les mythes sont l'image de l'inconscient collectif.
Je cite : "Je crois simplement que les mythes représentent souvent la projection d’insights égodystones, qui sont à la fois trop puissants pour pouvoir être refoulés et trop pénibles pour qu’on les applique à soi-même.
Ce que j’appelle “la position mythopoéique” semble être la suivante : “Ceci est la vérité - mais ce n’est pas arrivé à moi, mais à quelqu’un d’autre.” De telles inventions sont acceptées par l’audience et sont ensuite transmises à la génération suivante ; parce que l’inconscient de celui qui écoute (ou lit) le mythe fait écho au contenu latent du mythe, alors que le contenu manifeste du mythe - le fait que ce que l’on écoute (ou lit) est un mythe - permet à celui qui l’écoute (ou le lit) de ne pas appliquer l’insight des questions à lui-même."
On peut penser ici au fameux "j'ai un pote qui a ce problème" alors que le pote en question, c'est soi : déplacement de la problématique en dehors pour y faire face.

Pour Devereux, la sexualité est source de conflits psychiques car elle renvoie à la mort. Une non-différenciation sexuelle entraîne l'immortalité, pur clonage infini. Nombre de divinités grecques sont bisexuelles (elles couchent à droite et à gauche sans préférence du genre) et chacune des petites histoires qui constituent l'oeuvre mythologique peut renvoyer à des soucis plus humains et triviaux. Un autre aspect important du mythe est qu'il instaure des règles sociales, par la création de tabous par exemple.
Le mythe d'Oedipe, si cher aux psychanalystes, peut être lu comme une interdiction de l'héritage du pouvoir : si le fils va sur le trône de son père, il faudra qu'il tue ce dernier et qu'il épouse sa mère. Oedipe ou l'anti-monarchie.

Chaque article est très amusant à lire, Devereux y effectue un véritable travail de détective, en cherchant des indices dans les multiples textes de l'époque, il y étudie les différences et essaie de trouver les raisons aux divergences des poètes. De plus, il compare parfois la mythologie à son expérience d'ethnologue et par analyse "structurale" donne ses interprétations sur tout ça.

Malheureusement, vers la fin du livre, inopinément, voilà que Devereux indique qu'il faut prendre garde des sociétés matriarchales, qui sont forcément violentes. Le patriarcat, y'a que ça de vrai, c'est le passage à l'âge adulte pour lui. Il en arrive au point Godwin, en comparant sa peur des féministes à sa peur antérieure du nazisme.
Je cite : "Pour ma part, je prends au sérieux - et au pied de la lettre - les excès des porte-parole d'un féminisme outrancier, tout comme j'avais, il y a un demi-siècle, pris d'emblée au sérieux les extravagantes menaces d'Hitler."
Puis : "La Théogonie d'Hésiode, après avoir chanté les dieux et puis les déesses, proclame vers sa fin son intention de chanter maintenant "la race des femmes" - et puis s'arrête. Cette fin abrupte devrait servir d'avertissement à tous ceux qui n'ont pas encore compris que si le matriarcat conduit inexorablement à la destruction des hommes, et donc aussi à la misère des femmes, le patriarcat - et lui seul - garantit la liberté de la femme, car il la sait inséparable de celle des hommes et donc de celle de la race humaine."

BORDEL encore un universitaire misogyne car très certainement malheureux en amour.
La méthodologie fut donc intéressante, quant aux interprétations, elles me paraissent depuis un peu biaisée...


EDIT : Bon, depuis j'ai lu cet article : http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=COHE_190_0085
Et apparemment, Devereux serait plus féministe qu'il ne le savait lui-même.
(concernant ce système de notation obligatoire, tant pis, je laisse un 5 neutre)
slowpress
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le 29 août 2014

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