Le gros manquement de cet essai super clair et synthétique, c'est le manque d'illustrations. L'autrice cite de nombreuses productions préhistoriques en les détaillant, mais sans photos, difficile de se faire une idée. On navigue sans cesse entre le livre et google, puis on abandonne face à la profusion ! J'ai vraiment eu du mal à plonger dans le propos à cause de ça, car une grande partie de l'essai se base sur des descriptions d'oeuvres préhistoriques. Voilà pour le point négatif.
Loin d'essentialiser la condition féminine, Claudine Cohen redonne de la complexité et de la nuance à une question qui a longtemps été pliée : Déesse-Mère au mieux, guerriers en pagaille et invisibilisation des femmes préhistoriques au pire. La réalité est toujours plus complexe. Grâce à l'étude de squelettes qu'on croyait masculins, à la foule des statuettes qu'on croyait d'emblée religieuse ou érotique... et de tout un tas d'idées préconçues en déconstruction, on découvre une femme préhistorique agente, robuste, résiliante et puissante (comme maintenant quoi).
C'est dingue de réaliser à quel point on calque nos modèles actuels pour (mal) éclairer le passé : sédentaires par nécessité, donc se consacrant traditionnellement à la cueillette, les femmes préhistoriques furent probablement les premières attachées à la production des plantes, aux prémisses de l'agriculture. Est-ce que la domination des femmes est née avec l'apparition progressive d'engin agricole pénible à manier pour des femmes gestantes ou allaitantes la plupart du temps ? De plus, on constate que la dimorphie sexuelle (différences nettes d'ossature par exemple), se creuse au néolithique, avec l'émergence de la métallurgie : malnutrition des femelles, sélection des corps mâles pour la chasse (qui développe au passage l'agressivité de notre espèce) font le reste.
Claudine Cohen s'emploie à montrer que la préhistoire humaine n'a jamais été l'âge d'or rousseauiste, qu'elle n'est pas un état de nature mais un champ social à part entière.