Georges Simenon est un de mes auteurs préférés. Je peux laisser de côté un de ses romans plusieurs mois et le reprendre en me souvenant parfaitement de l'endroit où j'en étais.

Ce roman prend place principalement sur les autoroutes américaines et leur paysage déshumanisé, seulement ponctué de diners, de pompes à essence, de bretelles.

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On suit Steve, un employé d'agence de voyage, et sa femme, Nancy, qui doivent aller récupérer leurs enfants au camp de Walla-Walla un jour de grand départ, entre New York et Boston. Steve a bu en cachette, et décide de s'arrêter boire dans un bar, contre l'avis de sa femme, qui lui laisse un mot et décide de prendre le bus. Désemparé, Steve poursuit le bus mais le perd et s'arrête dans un deuxième bar, où il est question d'un évadé. Il se bourre la gueule et saoûle son voisin. Mais retrouve ce dernier sur le siège de sa voiture : c'est l'évadé, Sid Halligan, un mutique. Steve est bizarrement envahi de sympathie pour cet homme, qui symbolise le refus de rester "sur les rails" tout tracés par la société. Mais ayant trop bu, Steve crève un pneu et s'effondre. Le lendemain il se réveille seul : Sid a pris son argent, sa valise (moins les effets de sa femme, renversés dans le coffre). Steve décuve lentement, apprend qu'une femme répondant au signalement de son épouse a été agressée hier soir, passe un nombre incalculable d'appels pour trouver le bon hôpital. Le garagiste, ayant vu les effets féminins dans le coffre, appelle la police. Steve débarque à l'hôpital, est reçu par un officier de police qui l'interroge. On lui cache que quelque chose est arrivé à sa femme : Nancy a été violée par Sid peu après qu'ils aient crevés. Dans le dernier chapitre, Steve retrouve des vêtements propres, se rase, et se prépare à la nouvelle vie qui va consister à déjouer la pitié des gens, déjà au courant du viol de Nancy. Cette épreuve les a bizarrement sauvé d'une vie qui mimait le bonheur mais était complétement vide. Steve confronte Sid dans une dernière scène étrange.
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Très belle critique du bonheur américain vendu clé en main, qui fait de l'individu une pure statistique (à plusieurs reprises, les chiffres du nombre d'automobilistes et d'accidents prévus sont rappelés), avec une unité de non-lieu : la route américaine qui renvoie l'individu à son propre cheminement intérieur, sans lui offrir quoi que ce soit. Morale étrange et tordue, qui questionne plus qu'elle ne donne de réponse, mais qui, comme toujours chez Simenon, sonde les êtres dans leurs mécanismes de pensée les plus torturés. Encore une fois, Simenon reconstitue d'une manière magistrale le courant de pensée d'un ivrogne, les non-dits qui font le malaise quotidien au sein d'un couple, avec également un sens du tragique, lorsque l'individu jète ses convictions antérieures pour partir en roue libre, qui n'a pas à rougir face à un Dostoievski (oui oui).
zardoz6704
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le 20 juil. 2014

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