Ça commence dans une gerbe d’étincelles. Le feu, la forge, le père et son comparse Jacky martelant de concert, en rythme cadencé. Le fils fasciné par le bruit, la chaleur, les escarbilles jaillissant comme des étoiles filantes. Dehors, près du dépôt de locomotives bordant la maison, l’enfant retrouve sa grand-mère étêtant mécaniquement des grenouilles vivantes. Avant de partir pour l’école il embrasse la joue flasque du voisin, monsieur Lucien, et assiste aux lessives collectives où les femmes prennent des airs de lavandières. Le fils du feu devenu adulte raconte ainsi son enfance, chronique plus amère que douce marquée par la mort du petit frère, événement traumatisant pour chaque membre de la famille. La mère continue de s’adresser au défunt comme s’il n’était jamais parti, le père lève pour la première fois la main sur sa femme et l’aîné constate les dégâts, il souffre et tente de grandir, malgré tout.
Honnêtement, je pensais prendre une grosse claque, je pensais me retrouver sur le cul, soufflé par la force d’un texte court et renversant. Et bien ça n’a pas été le cas.
Je m’étais imaginé un long poème en prose puissant et habité, je ne m’étais pas trompé, mais il m’a manqué un petit quelque chose, un soupçon d’aspérité sans doute. Il me reste l’impression d’une écriture trop lisse, trop travaillée, trop léchée. Disons qu’il m’aurait fallu davantage de spontanéité et de rage. Je suis resté à distance, pas vraiment emporté, ni par les personnages, ni par l’histoire. Pas simple d’expliquer ce ressenti mais l'évidence s'impose, je me suis par moments ennuyé au cours de cette lecture.
Après, impossible de nier que Guy Boley a une plume élégante, parfois intense, d’une grande musicalité, et que son entrée en littérature à plus de soixante ans laisse augurer de bien belles choses à venir.