« Fils de feu » est le premier roman de Guy BOLEY. Cet auteur écrit comme il a boxé. Qu'ils soient de coeur ou de rage, d'espoir ou de regret, les coups sont directs. L'auteur s'expose, esquive, explose mais toujours en vérité . Il écrit comme il a dansé la vie et pris les risques des funambules de haut vol. Avec brio, la musique des mots choisis par l'auteur rend admirablement le son du souffle de la forge, le rythme des enclumes, la nostalgie à fleur de peau d'un métier d'artisan, sans compter la puissance et la fragilité des corps qui déterminent les genres et les modes de vie d'alors. Par ses mots à la portée de tous, chargés d'émotion et d'auto-dérision, Guy BOLEY met en scène, donne à voir, à écouter, à deviner , à redécouvrir le métier de forgeron qu'exerçaient son père et Jacky, l'apprenti. Lui, gamin, il observait et remplissait son âme de ce souffle de vie qui émane de la forge, des corps musclés luisant d'efforts et du chant des enclumes qui rythmait la cadence, la vie, le bruit et même le silence annonciateur d'une pièce finie, maîtrisée, unique, encore auréolée des étincelles que faisaient naître son père et Jacky, tous deux , à ses yeux, Maîtres du feu et Seigneur des masses.
Et puis, l'auteur nous raconte sa mère et le travail des femmes, le combat quotidien pour vaincre la crasse, tordre le linge, l'étendre à sécher et donner au gamin de quoi rêver lorsqu'il observait les culottes de Marguerite-des-oiseaux, pièces de tissu aussi grandes qu'un drap de lit pour enfant ! Avec une écriture chargée de tendresse, il nous dit la valeur simple du travail bien fait, la joie de vivre en famille, son horreur aussi quand la mort d'un enfant s'immisce comme un grain de folie au coeur d'une mère qui n'acceptera jamais la mort accidentelle de son petit.
L'enfant de la forge, subjugué par l'attrait du corps luisant de l'apprentis, dépassé par la puissance de frappe de son vulcain de père et la fragilité à fleur de coeur des larmes de sa mère ne saura jamais comment grandir, être lui, trouver sa place sans prendre, perdre ou tuer celle des autres. Il deviendra peintre pour devenir lui et se demandera de manière récurrente s'il faut, pour grandir, renier son passé resté présent ou le sublimer? S'il faut s'atteler à faire le vide autour de soi ou, au contraire, faire le plein de ces vides qui scandent la vie et, peut-être lui donnent sens.
Ayant trusté pas moins de six prix littéraires, « Fils du feu » est un très agréable premier roman, né à maturité et offert en partage par une plume qui s'enracine dans l'expérience d'une vie féconde, même si, à son époque, elle semblait aller à contresens du socialement correct. Guy BOLEY, un auteur dont il faut lire aussi « Quand Dieu boxait en amateur ».
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