L'angle de départ
Flatland est un monde à 2 dimensions, ses habitants sont des formes géométriques planes : cercles, triangles, carrés, des polygones en tous genres en somme...
Le personnage que suit le récit est un carré. Lors d'un étrange rêve, il se retrouve propulsé à Lineland, un monde à dimension unique ! Peuplé de points et de lignes. Il veut alors leur faire comprendre qu'il existe une autre dimension, le sien. En vain, le roi de Lineland en grand pragmatique ne peut voir cette autre dimension et en rejette donc l'idée. Puis, un jour apparaît devant carré ce qui lui semble être un cercle. Mais ce dernier affirme être un sphère et lui révèle l'existence d'une 3ème dimension. D'abord incrédule, le carré finit par admettre la réalité de cette 3ème dimension et tente ensuite de partager cette connaissance avec son peuple qui la rejettera.
Le génie d'Edwin Abbott
Un point de départ qui peut sembler des plus déjantés et loufoques mais Flatland n'est pas aussi psychédélique qu'il pourrait paraître. Il est facile d'imaginer en Edwin Abbott un étrange spécimen complètement cinglé pour avoir imaginé un tel concept. Mais je ne peux voir en lui qu'un génie ayant réussi à rendre ludique à un allergique des maths comme moi la lecture de ce que je considérerais comme un pur roman mathématico-philosophique... Le premier de son genre !
De grands thèmes pour un grand roman au petit volume
L'histoire explore des thèmes très intéressants de façon bien originale. Notamment tout le propos sur l'importance du langage.
Abbott nous rappelle que c'est le langage qui donne réalité et sens aux choses. Lorsque le carré affirme qu'il existe une 3ème dimension, on lui demande de définir cette 3ème dimension pour prouver ces dires. Mais comment définir le concept de hauteur lorsque aucun mot n'existe chez eux pour lui donner réalité ? Une réflexion profonde sur le langage rappelant également le propos de "1984" d'Orwell. Et ce thème trouve des échos encore aujourd'hui et nous rappelle (une fois de plus) les dangers de l'appauvrissement du vocabulaire.
Après tout, n'est-ce pas la notion même de démocratie qui est visée lorsqu'en Chine, les moteurs de recherche bannissent certains mots des résultats potentiels de certains types de recherches..?
Conclusion
De Flatland, on en ressort élevé en tant que lecteur. Paru en 1884, ce petit roman reste néanmoins d'une stupéfiante modernité qui brasse des sujets aussi universels qu'intemporels.
Un véritable discours pour l'ouverture d'esprit, appelant à ne pas se laisser enfermer dans ses certitudes. Après avoir suivi les aventures du carré découvrant l'existence d'une 3ème dimension qui lui était jusque lors inconnue, alors même qu'il n'avait même pas les outils pour l'appréhender, pouvons-nous raisonnablement affirmer sans le moindre doute qu'il n'existe pas de 4ème, de 5ème ou même d'un 15428624ème dimensions..?